L’Athénée Ganenou et l’Ecole Beth Aviv occupent une place majeure au sein de la communauté juive de Bruxelles. Ces deux écoles témoignent de la vitalité de la judaïcité bruxelloise et de l’importance qu’elle accorde à la transmission de l’identité juive à travers l’éducation. Si Ganenou et Beth Aviv ont réussi à dispenser un enseignement de qualité et à s’inscrire dans la continuité et la durée, ces écoles le doivent certes à leurs directions et à leurs équipes pédagogiques respectives, mais aussi à des femmes comme Anne Brocki qui ont contribué inlassablement à ce double succès.
Juive d’origine polonaise née en 1923, Anne Brocki, dont le père est un grand érudit qui lui a appris l’hébreu et le yiddish dès son plus jeune âge, a survécu à la Shoah et évolue après la guerre dans les milieux sionistes de gauche aux côtés de son mari, Henri Bibrowski, un militant actif du Poale Tzion et correspondant à Bruxelles du journal yiddish Unzer Vort. Anne Brocki prend conscience que l’avenir de la communauté juive passe par l’éducation. Certes, une école juive religieuse dépendant de la communauté orthodoxe (l’Athénée Maïmonide) existe déjà à Bruxelles, mais elle ne répond pas nécessairement aux aspirations de la majorité des Juifs bruxellois. « Dès lors, une autre école semblait avoir sa place », estime Anne Brocki. « Une école qui, sans se départir du judaïsme traditionnel, formerait des êtres à identité forte, ouverts à l’unique et à l’universel, conscients de leur judéité, et non plus obligés de la subir en Juifs honteux ».
L’idée est en gestation et Anne Brocki décide de franchir le pas lorsque son fils Yves est en âge d’entrer au jardin d’enfants. En 1960, avec Mesdames Blomhof et Gutman, actives au « Moadon Israeli » (foyer israélien) de la rue Jean Stas, elle pose les fondements d’une école maternelle juive. Les débuts du Gan Yeladim (jardin d’enfants) sont modestes : une institutrice de maternelle israélienne et quatre enfants réunis au deuxième étage du Moadon. Mais cela fonctionne bien et très rapidement, elle réussit à sensibiliser une dizaine de familles juives intéressées par son initiative. Dès 1963, elle peut proposer le cycle complet du jardin d’enfants. Il faut donc songer à une école primaire.
Éduquer dans la joie
Responsable la commission pédagogique de l’école, Anne Brocki entend mettre en place une pédagogie favorisant la curiosité intellectuelle, l’esprit d’initiative et la créativité de l’enfant. « Nous souhaitions surtout maximaliser les potentialités intellectuelles, artistiques et physiques de l’enfant », explique-t-elle. « Former des êtres équilibrés selon la maxime Mens sana in corpore sano ». Anne Brocki fait le choix d’une pédagogie active inspirée des méthodes Freinet et Decroly. Quant au judaïsme, l’accent est évidemment mis sur la joie et l’enthousiasme avec lesquels l’apprentissage de l’hébreu et l’étude des textes bibliques et de l’histoire juive doivent être garantis.
Lorsque le comité chargé de poser les fondements de cette nouvelle école se réunit pour concrétiser le projet, la question du nom est posée. Anne Brocki suggère Ganenou. « Cela renvoie à l’allégorie de “cultivons notre jardin” », indique-t-elle. « Un jardin où l’art d’aimer son prochain est inspiré par le ressourcement dans notre passé culturel et spirituel et où l’ambiance des fêtes juives, enrichissantes et conviviales, jalonne l’année scolaire et embellit le quotidien ». Après avoir relevé le pari des inscriptions suffisantes, il ne reste plus qu’à se doter d’une équipe pédagogique. « Le bon maître doit pouvoir éveiller en chacun ses facultés d’intelligence », aime rappeler Anne Brocki en paraphrasant le Maharal de Prague. C’est ainsi qu’Ouzia Chaït est engagée pour donner cours aux élèves de Ganenou dont elle devient vite la directrice. « Son dynamisme et ses compétences pédagogiques assurent le développement harmonieux de l’école », souligne Anne Brocki.
L’école Ganenou est créée et le projet pédagogique cher à Anne Brocki se concrétise. « Je garde un excellent souvenir de l’ambiance conviviale et agréable de Ganenou », témoigne Yves Bibrowski, psychologue-psychanalyste et un des élèves pionniers de Ganenou. « On essayait surtout de susciter notre curiosité intellectuelle, notre ouverture sur le monde et notre désir d’apprendre. Chaque fête juive était l’occasion de préparer et de monter une pièce de théâtre ou un spectacle. J’ai pris conscience de cette ambiance conviviale et de cette ouverture d’esprit lorsque j’ai poursuivi ensuite ma scolarité dans une autre école, où l’atmosphère était beaucoup plus rigide et austère ».
Grâce à la générosité de Nathan Blomhof et de Wolf Landman, Ganenou peut s’installer rue Américaine. En raison de l’augmentation croissante du nombre d’élèves, deux maisons supplémentaires sont acquises en 1965. Au début des années 1970, la construction d’un nouveau bâtiment adapté aux besoins pédagogiques d’une école devient une nécessité. Mais à partir de 1975 et après la disparition de Nathan Blomhof et Henri Bibrowski, le conseil d’administration présidé par Wolf Landman s’étend à de nouveaux membres ne partageant pas les conceptions novatrices et participatives d’Anne Brocki et des fondateurs de Ganenou. « Nous soutenions une conception nouvelle dans la construction d’une école adaptée à une pédagogie active et impliquant une plus grande participation des élèves », soutient Anne Brocki « Aucune de nos suggestions concernant la construction du nouveau bâtiment n’a été prise en considération par le nouveau conseil d’administration. A l’issue de l’assemblée générale de 1978, un groupe de parents dont je faisais partie a décidé de quitter Ganenou et de créer une nouvelle école destinée à poursuivre ce que nous avions conçu et réalisé depuis plus de dix ans ».
Un même projet, deux écoles
Anne Brocki se retrouve donc à nouveau à l’origine d’une école juive qui portera le nom de Beth Aviv. « C’est ainsi qu’une graine a pu germer deux fois », fait-elle remarquer avec tendresse. « D’un même projet sont issues deux écoles juives : Ganenou et Beth Aviv ». La direction de cette nouvelle école est une fois encore confiée à Ouzia Chaït qui l’assumera jusqu’en 1995, lorsque Béatrice Goldlewicz lui succède. Grâce à ces trois femmes, Beth Aviv accueille des enfants en les élevant au maximum de leurs potentialités, en leur apprenant à être des Juifs conscients, tout en s’ouvrant sur le monde qui les entoure.
L’équipe pédagogique entend faire de Beth Aviv un outil exceptionnel en n’en faisant pas seulement une école juive. Cela implique le courage de ne pas faire nécessairement comme tout le monde, notamment en se demandant comment enseigner le mieux une langue, comment apprendre à apprendre, comment faire des élèves de futurs lecteurs, comment leur apprendre à parler en public, comment utiliser le maximum de leurs capacités, avec une méthode d’apprentissage en réflexion constante. Rien de pédagogique n’était laissé au hasard, et le savoir-faire indissociable du savoir-être »
Avec Ouzia Chaït, les élèves découvrent le programme de développement affectif et social (PRODAS) ou « Cercle magique » dès la maternelle pour libérer l’expression, les conseils de classe hebdomadaires pour résoudre les conflits, tandis que les enseignants s’enrichissent de formations continues, aussi diverses que l’initiation à la Bible, les cours de sophrologie, la programmation neurolinguistique (PNL) ou l’apprentissage des langues par l’hypnose.
Alors que les élèves de l’Athénée Ganenou et l’Ecole Beth Aviv vont entamer dans quelques semaines la rentrée scolaire 2022-2012, comment ne pas songer à Anne Brocki, cette femme exceptionnelle au parcours exemplaire qui a compris très tôt que le savoir et la connaissance sont indissociables de l’être juif.
Je me rappelle que mes parents allaient chez elle avenue Albert acheter de la nourriture casher.
D’autre part n’oubliez pas que c’est grâce à cette personne exceptionnelle qu’a été Claude Darmon que Ganénou a pu devenir ce qu’elle a été. Il fallait que cela soit aussi dit.
Depuis son départ de l’école, dans des conditions peu transparentes, cette école a perdu son âme juive qui nous était tellement chère, comme le minerval et les autres frais demandés, d’ailleurs.
Madame,
Vous avez tellement fait pour que Ganénou existe vous ne supporteriez pas de connaître ce qu’elle est devenue. Cette école a perdu toute âme juive depuis le départ précipité de son ancien directeur Claude Darmon dont il n’a jamais été communiqué aux parents le pourquoi du départ.
Depuis ce départ, l’école perd peu à peu son caractère juif pour devenir une école comme les autres.
Quel est encore le sens de mettre ses enfants à Ganénou ?
Mon épouse et moi mêmes se sont posés la question et, finalement et tenant compte aussi de l’aspect financier, nous avons choisi un lycée communal pour nos plus jeunes deux fils, l’aîné ayant suivi tout son parcours scolaire à Ganénou.
Cette décision a été difficile à prendre, je le reconnais bien volontiers.
David
David,
Je suis tout à fait d’accord avec vous et j’ajoute que la qualité de l’enseignement ne cesse de se détériorer avec des classes surpeuplées et un enseignement de la langue hébraïque qui ne ressemble plus à rien à tel point que mes enfants songent sérieusement à enlever leurs 2 filles et 2 garçons de Ganénou en fin d’année et de faire continuer leurs humanités à Notre Dame des Champs dont le niveau est plus élevé. Il est temps que les dirigeants actuels de l’école Ganénou se posent les bonnes questions et s’ils ne s’en sentent pas capables qu’ils démissionnent et laissent la place à des personnes compétentes.
Joseph,
Penser que l’enseignement de l’hébreu sera meilleur dans une école catholique qu’à Ganénou est une ineptie.
Claude