Regards n°1105

Antisémitisme, le grand déni

L’hostilité de plus en plus affichée à l’égard d’Israël – et l’isolement croissant des Juifs de Belgique qui en découle – tient autant à l’antisémitisme stricto sensu qu’à une série de circonstances aggravantes. À l’antisémitisme latent et au sentiment de culpabilité lié à la Shoah et à la colonisation (belge) s’ajoute un antisémitisme dit tertiaire et/ou d’électoralisme. Dans la Belgique bien-pensante du troisième millénaire, qui n’ose pas s’attaquer à la Chine, à la Turquie, à la Russie, à l’Azerbaïdjan ni au Qatar, l’antisionisme agit comme une évidence fantasmatique pour servir d’expression à toutes sortes de rancœurs –à l’égard de l’impérialisme américain, du capitalisme, de la mondialisation, des ratés de l’intégration. L’opposition obsidionale à Israël sert assurément tous types de fins et de publics.

De là à faire de l’hostilité à l’égard Israël la clé de voûte d’une véritable religion civile et/ou civique, il n’y a qu’un pas que je m’autorise à franchir. En Belgique, on peut parler d’antisionisme systémique fonctionnant comme un véritable « code culturel », au sens de la définition de la chercheuse israélienne Shumalit Volkov. Comme jadis les Juifs dans la chrétienté, l’État d’Israël en modernité figure en variable d’ajustement au nom d’une politique du moindre mal, pour reprendre l’expression de l’historien belge de la Shoah, Maxime Steinberg. Cette politique du moindre mal fut la politique des autorités communales belges durant la Seconde Guerre mondiale. Elle amena, par exemple, Joseph Bologne, le bourgmestre socialiste de Liège, à communiquer aux nazis, au nom de la sauvegarde du plus grand nombre, des listes de Juifs liégeois.

La Belgique serait-elle un pays antisémite ? Pas plus qu’un autre, si ce n’est que la politique du moindre mal, ce pacte social antisioniste, négocié à leurs dépens, a atteint un degré d’affermissement inégalé. Si, d’un côté, le gouvernement vient de créer un mécanisme de coordination interfédéral de la lutte contre antisémitisme, il se refuse toujours de nommer, contrairement à la plupart des pays membres de l’Union européenne, un coordinateur national de lutte contre l’antisémitisme au grand dam d’Yves Oschinsky, le président du Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB), comme s’il s’agissait d’organiser par avance son inefficacité. D’où aussi l’absence de réelle réaction aux menaces qui pèsent sur les Juifs de Belgique. Pour preuve, l’inaction ou l’aboulie (absence de volonté) d’UNIA, l’organisme fédéral de lutte contre le racisme, dès qu’il s’agit de poursuivre un acte antisémite. UNIA a choisi de ne pas poursuivre les organisateurs du carnaval antisémite d’Alost.

Depuis la deuxième Intifada, il y a près de 25 ans, semble s’esquisser une nouvelle phase tragique du face-à-face judéo-chrétien. Après la conversion forcée au christianisme, l’expulsion et l’annihilation pure et simple, les Juifs sont sommés – antisémitisme pragmatique oblige – de se désolidariser d’Israël. Les Juifs belges n’auront d’autre choix que d’adhérer à la doxa antisioniste, nouvelle religion civile des Belges. Au risque de la marginalisation.

Une troisième voie serait-elle possible ? C’est le pari des fondateurs de l’Institut Jonathas, un tout nouveau centre d’études et d’actions contre l’antisémitisme, dont l’objectif premier est de permettre une continuité de la vie juive en Belgique. Hors marranisme. En toute dignité. 

Écrit par : Joel Kotek
Politologue et historien
joel kotek

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