Combien de Juifs en Europe aujourd’hui ?

Véronique Lemberg
L’Institute for Jewish Policy Research (JPR) de Londres a publié Jews in Europe at the turn of the Millennium, une vaste enquête dans laquelle deux spécialistes de la démographie juive dressent un portrait actualisé des Juifs d’Europe en proposant de nouvelles estimations chiffrées et en dégageant les tendances démographiques actuels.
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L’Institute for Jewish Policy Research (JPR) a confié au démographe israélien Sergio DellaPergola, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, et au démographe anglais Daniel Staetsky, directeur de l’unité de démographie juive du JPR, la tâche de présenter l’aperçu le plus large et le plus actualisé de la démographie juive européenne.

Les auteurs de cette enquête estiment que la population juive de l’Union européenne (à l’exclusion des Juifs britanniques suite au Brexit) compte 788.800 personnes au début de l’année 2020. Ils obtiennent ce chiffre en utilisant la définition du Juif selon le critère du « noyau dur ». Il comprend toutes les personnes qui, lorsque dans le cadre d’une enquête sociodémographique, s’identifient eux-mêmes en tant que Juifs ou sont identifiés comme Juifs par un répondant dans le même ménage, et n’ont pas d’autre religion. Une telle définition ne coïncide pas parfaitement avec halakha (loi juive) même si près de 95% des personnes qui se sont identifiés comme Juifs de naissance ont également indiqué que leur mère était juive par naissance. Le noyau dur de la population juive comprend les personnes qui s’identifient comme Juifs par leur religion, mais aussi celles qui se considèrent comme juifs par leur appartenance ethnique ou culturelle.

Ce chiffre augmente et passe à 1.010.500 personnes lorsqu’ils tiennent compte des personnes « ayant un ou des parents juifs » ou étant « d’origine juive ». Quand ils retiennent le critère de la « population juive élargie », ce chiffre passe à 1.267.800 personnes. Enfin, lorsqu’ils ajoutent toute personne susceptible de bénéficier de la loi israélienne du retour (les enfant et petits-enfants d’un Juif, son conjoint et le conjoint d’un enfant ou de petits-enfants d’un Juif, à l’exception d’une personne qui était juive et a, de sa propre volonté, changé de religion), ils peuvent estimer que l’Union européenne compte 1.505.700 Juifs.

Concernant la Belgique, les auteurs de cette enquête constatent qu’en l’absence de recensement ou de registre central de la communauté juive, les répertoires des organisations juives ou des activités destinées au public juif constituent un substitut utile, bien que sommaire. Selon leurs calculs, la population juive de Belgique est estimée à 29.000 personnes.

Plus attachés à l’Europe que les non-Juifs

D’un point de vue qualitatif, cette enquête a la particularité de mettre en évidence l’importance du sentiment européen des Juifs. Elle s’appuie essentiellement sur les résultats d’une enquête de 2018 de l’Agence pour les droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces résultats ont été croisés avec ceux de l’Eurobaromètre 2018 pour les comparer avec les populations nationales. Il apparait clairement que les Juifs ont un sentiment d’attachement à l’Europe plus fort et plus affirmé que leurs compatriotes non-juifs. Ce sentiment européen s’exprime avec plus d’intensité chez les Juifs d’Europe centrale et orientale. Ainsi, en Pologne et en Hongrie, des pays où le nationalisme est exalté par des régimes hostiles à l’Etat de droit et à la démocratie libérale, les Juifs voient dans l’Union européenne un garant de leurs libertés fondamentales. « L’enracinement des Juifs en Europe peut les conduire à croire loyalement et fermement dans l’idée d’une Europe unie », explique Sergio DellaPergola. « Mais leur méfiance envers le nationalisme est aussi un facteur déterminant de leur attachement à l’Union européenne ».

Non seulement cette enquête documente bien la diversité des modalités de l’identité juive qui peut prendre la forme religieuse, nationale, culturelle ou familiale, mais elle pointe aussi une diminution de l’assimilation des Juifs d’Europe. « Sur base des nombreuses données en notre possession, nous avons pu observer une volonté de se redécouvrir juif et de participer à une vie juive », souligne Sergio DellaPergola. « Cela se vérifiait surtout lorsque nous leur demandions de comparer leur judéité aujourd’hui avec celle de leur enfance. Elle est plus forte aujourd’hui que durant leur enfance. Ce retour vers la « maison juive » peut être une réaction face à une Europe qui se montre moins tolérante envers ses minorités ».

Cette enquête est disponible dans son intégralité sur le site www.jpr.org.uk

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