Des boulettes pour un monde plus rond

Michèle Baczynsky
En 2011 s’est tenu à Paris un colloque de boulettologie. Y étaient réunis les amoureux des boulettes du monde entier : bollekes (Belgique), keftas et kibeh (Moyen-Orient), polpette (Italie), knödels (Allemagne), klepselekh (cuisine juive ashkénaze). Elles étaient toutes là.
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La boulette a le vent en poupe. Andrée Zana Murat, dans son livre Les boulettes : dix façons de les préparer (éd. de l’Epure), la décline à toutes les sauces, avec comme boulette superstar, celle de Shabbat de son enfance juive, en Tunisie. Elle nous livre un de ses secrets de fabrication : « Il faut râper les oignons et non les couper, avec les gros trous de la râpe, y ajouter du sel pour les dégorger. Ensuite, le volume de pain, d’oignons (beaucoup) et d’herbes, tout ensemble, doit être équivalent au même volume de viande ».

Il existe une réelle passion juive pour la boulette avec ses déclinaisons à l’infini : boulettes de viande à la sauce d’abricot (Irak) ou aux cerises (Syrie), ou encore aux fèves et au citron (Egypte), au poisson (Pologne), aux épinards (Grèce), ou aux betteraves aigres-douces, le kibbé (Irak/Kurdistan). En les goûtant, Claudia Roden, l’anthropologue de la cuisine juive, peut deviner d’après leur assaisonnement l’origine du cuisinier. Ainsi, en Egypte, on privilégie le cumin et la coriandre moulue; en Turquie, la cannelle.

Quant aux boulettes grecques, laissons la parole à Albert Cohen, l’écrivain aristocrate séfarade, né à Corfou. Dans Le livre de ma mère, il dresse un portrait truculent de sa mère préparant et « tapotant » ses boulettes, des gestes dans lesquels il lit l’expression de son amour et une certaine conception du couple, certes conservatrice, mais qui a fait ses preuves : « Moi, mon fils, je n’ai pas étudié comme toi, mais l’amour qu’on raconte dans les livres, c’est des manières de païens. Moi je dis qu’ils jouent la comédie. Ils ne se voient que quand ils sont bien coiffés, bien habillés, comme au théâtre. Ils s’adorent, ils pleurent, ils se donnent de ces abominations de baisers sur la bouche, et un an après, ils divorcent ! Alors, où est l’amour ? Ces mariages qui commencent par de l’amour, c’est mauvais signe. Ces grands amoureux, dans les histoires qu’on lit, je me demande s’ils continueraient à aimer leur poétesse si elle était très malade, toujours au lit, et qu’il soit obligé, l’homme, de lui donner les soins qu’on donne aux bébés, enfin tu me comprends, des soins déplaisants. Eh bien, moi je crois qu’il ne l’aimerait plus. Le vrai amour, veux-tu que je te dise, c’est l’habitude, c’est vieillir ensemble. Tu les veux avec des petits pois ou avec des tomates, les boulettes ? »

La boulettologie serait-elle alors une nouvelle philosophie de la vie ?

Boulettes aux épinards, à la grecque pour 6 personnes

Ingrédients

500 g bœuf

350 g d’épinards frais

3 oignons râpés

5 gousses d’ail écrasées

2 tranches de pain sans croûte imbibées d’eau, essorées

3 c. à s. d’huile d’olive

1 poignée de pignons de pin

1 c. à s. de sel

poivre

huile

paprika doux

noix de muscade

Pour la sauce tomate

500 g coulis de tomates

200 cl de vin rouge

2 oignons

3 gousses d’ail

1 c. à s. paprika doux

cannelle, sel et poivre

Préparation

Equeuter les épinards, blanchir et les couper finement.

Ajouter avec tous les autres ingrédients, à la viande.

Mélanger, malaxer.

Rouler des boulettes de 4 cm de
diamètre dans des mains enfarinées. Réserver.

Faire revenir les oignons et l’ail dans l’huile d’olive.

Ajouter le vin et laisser un peu
évaporer. Verser le coulis de tomates
et les épices.

Diminuer le feu et laisser mijoter
5 minutes.

Déposer les boulettes dans la sauce.

Lorsqu’elles commencent à « prendre », les recouvrir de sauce
et les retourner régulièrement.

Couvrir et laisser mijoter encore
30 minutes.

Bon appétit !

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