Israël veut interdire le commerce de la Fourrure

Nathalie Hamou
Une initiative gouvernementale s’attaque aux permis d’importation de fourrure d’animaux sauvages. Pour autant, la nouvelle règlementation ne va pas sonner le glas du shtreimel.
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Comme un vieux serpent de mer, l’interdiction du commerce de la fourrure en Israël est de retour, au niveau gouvernemental et à la Knesset. Début octobre, la ministre de l’Environnement, Gila Gamliel, a en effet annoncé un amendement de la loi sur la protection de la faune. But de la manœuvre : limiter à des cas exceptionnels la délivrance des autorisations d’importation et d’exportation de fourrure d’animaux sauvages, qui relève du directeur de l’Autorité israélienne des parcs et de la nature.

Sur le papier, la mesure ferait d’Israël le premier pays au monde à interdire le commerce de fourrure. « Il n’est ni nécessaire ni moralement justifié d’utiliser la fourrure dans l’industrie de la mode. Cette pratique entraîne le massacre de millions d’animaux dans le monde, impliquant des souffrances et une cruauté indescriptible », a déclaré la ministre Likoud, dont l’initiative est soutenue par la députée de la formation centriste Bleu-blanc, Miki Haimovich, qui dirige le comité des affaires environnementales de la Knesset.

La décision de limiter la délivrance de permis a été saluée par le groupe de défense des animaux PETA, qui a félicité Israël « pour avoir reconnu que le commerce de manteaux, de pompons et autres articles de mode frivoles fabriqués à partir de fourrure d’animaux sauvages est contraire aux valeurs de tout citoyen décent ». De son côté, le mouvement israélien de défense des animaux Animals Now a rappelé que, selon un sondage, 86 % des Israéliens étaient d’accord pour dire qu’il était inacceptable de recourir à des cages, à la torture et à des méthodes brutales afin de tuer des renards, des visons, des chiens et des chats pour « des articles de mode extravagants et inutiles ». L’initiative gouvernementale sauverait « d’innombrables animaux ». Environ cent millions d’animaux sont élevés et tués chaque année dans des exploitations intensives de fourrure pour approvisionner l’industrie de la mode, selon Humane Society, tandis que des millions d’autres dans la nature sont piégés et tués pour leur fourrure, principalement aux Etats-Unis, au Canada et en Russie.

Dérogation pour les shtreimels

Seul bémol, et il est de taille, la nouvelle règlementation israélienne prévoit des dérogations. Le directeur de l’Autorité israélienne des parcs et de la nature pourrait continuer à délivrer des permis si les peaux devaient être utilisées pour « la religion, la tradition religieuse, la recherche scientifique, l’éducation ou l’enseignement ». Autrement dit, les approvisionnements en queues de zibelines ou de renards, nécessaires à la fabrication des shtreimels, ces chapeaux traditionnels de fourrure portés par les ultra-orthodoxes les samedis et jours de fêtes, ne seraient pas interdits pour autant. De quoi réduire considérablement la portée de l’initiative de la ministre de l’Environnement, sans doute soucieuse de ne pas se mettre à dos le monde haredi (ultra-orthodoxe). Car dans un pays aux températures estivales près de six mois de l’année, les adeptes du shtreimel, des couvre-chefs pouvant coûter jusqu’à 5.000 dollars, sont de facto les principaux consommateurs de fourrure en Israël.

Reste à savoir si au sein de ce public, les mentalités sont susceptibles d’évoluer. Il y a quelques années, le Museum of the Seam de Jérusalem (situé à l’intersection des quartiers juifs et arabes de la ville) est parvenu à organiser un débat réunissant des représentants de la communauté ultra-orthodoxe et des activistes laïques de la cause animale. A cette occasion, le rabbin hassidique Shmuel Pappenheim a été le premier chef religieux à déclarer que la communauté haredi devait uniquement avoir recours aux « shtreimels » en fourrure synthétique, et renoncer aux couvre-chefs fabriqués à partir de queues de renards. Pour le rabbin Shmuel Pappenheim, il ne s’agit pas seulement de répondre à une logique économique, liée au prix trois fois moins élevé du shtreimel synthétique, mais de respecter un impératif religieux et moral : « Le shtreimel en fourrure naturelle transgresse la loi juive qui interdit de causer des souffrances inutiles aux animaux », a-t-il fait valoir. « Nous devons faire en sorte que les gens soient gênés de porter autre chose qu’un shtreimel synthétique ». Une prise de position courageuse qui gagnerait à être connue pour ouvrir la porte à de véritables avancées.

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