« Les Israéliens seront étonnés quand ils apprendront ce que je vais dire. Mais je le dis : je suis prêt à me rendre chez eux… À la Knesset, et à discuter de la paix avec eux si le besoin s’en fait sentir », affirme le président égyptien devant les parlementaires de l’Assemblée populaire égyptienne. « Je suis prêt à me rendre en Israël ou au bout du monde pour discuter de la paix et sauver ne serait-ce que la vie d’un seul soldat ».
Même si le chef d’état-major de Tsahal, le général Motta Gour, y voit « une nouvelle ruse dans le style de la guerre du Kippour », le Premier ministre israélien Menahem Begin prend Sadate au mot et le 15 novembre, il lui adresse devant la Knesset une invitation officielle à se rendre à Jérusalem. Le lendemain, Sadate réaffirme son intention de se rendre à Jérusalem. Trois jours plus tard, le 19 novembre, le président égyptien atterrit à l’aéroport Ben Gourion de Lod.
Le président Sadate a atteint son premier objectif. Avant même qu’il ne pose le pied en Israël, les barrières psychologiques qu’il cherche à faire sauter se sont écroulées les unes après les autres à un rythme étourdissant. Jamais dans l’histoire d’Israël, un chef d’Etat étranger n’est reçu avec autant de chaleur et de déférence. Le président Katzir, le Premier ministre Begin, tous les membres du gouvernement, les deux grands rabbins d’Israël, et le corps diplomatique au complet, accueillent en grande pompe Anouar el-Sadate. Jérusalem est investie par une foule en liesse qui agite des drapeaux égyptiens.
Le point d’orgue de cette visite est évidemment la séance extraordinaire prévue à la Knesset le 20 novembre au cours de laquelle le président Sadate s’adresse directement aux députés israéliens. Dans son discours, le président égyptien plaide en faveur de la paix entre Arabes et Israéliens : « Vous voulez vivre avec nous dans cette partie du monde et je vous le dis en toute sincérité : nous vous accueillerons avec plaisir parmi nous, en sûreté et en sécurité ».
Tout se passe comme si la paix avait déjà été négociée et signée alors que ce n’est que le début d’un processus qui prendra un an et demi. Après de multiples péripéties, des négociations à Camp David et de nombreuses réunions informelles, le traité de paix israélo-égyptien est finalement signé à Washington le 26 mars 1979.