La notion de « manque » est apparue dès le début de la crise liée à la pandémie de coronavirus. Manque de personnel médical, manque de matériel, manque de places dans les hôpitaux… « On entendait ce qui se passait en Italie et cela a peut-être conscientisé la population belge », se souvient Evelyne Trebitsch, vice-présidente du CCLJ, qui s’est demandé comme beaucoup comment elle pouvait agir. « Fabriquer des masques m’a semblé le plus à portée de main », confie-t-elle, décidée à rassembler un groupe de volontaires aussi motivés qu’elle. Alors que les magasins de tissus viennent de fermer, Evelyne contacte une couturière et lui propose de confectionner des masques avec les tissus dont elle dispose, selon le modèle préconisé par le ministère de la Santé qui a été diffusé. Elle prête également sa machine à coudre à un autre contact en lui promettant de bientôt lui apporter le matériel qui lui permettra d’en fabriquer elle aussi. Bien connectée avec le milieu hospitalier, Evelyne commence rapidement la distribution d’une centaine de pièces à l’Institut Bordet et à Delta (CHIREC), des masques en tissu lavables composés de deux couches, l’une fine, l’autre plus épaisse, entre lesquelles un filtre sera ajouté par les utilisateurs. Avec des rubans à nouer derrière la tête, ayant l’avantage sur les élastiques de ne pas se détendre.
« Après avoir épuisé mon stock personnel, je me suis mise à rechercher plus de tissu et des draps autour de moi », poursuit Evelyne. Eric, de la Shmira (l’organisation de sécurité et protection communautaire), relayera son appel sur Facebook, avant d’être lui-même rejoint par son frère, Serge. « J’avais déjà livré spontanément des masques à l’Heureux Séjour, à quelques hôpitaux et à L’Ilot, association pour sans-abri », explique Evelyne. Eric et Serge apportent de nouveaux contacts, tant pour les ressources de tissus qu’au niveau des bénéficiaires, se faisant notamment l’écho de besoins importants du côté des services de police. Une occasion d’aider à leur tour ceux qui apportent toute l’année leur protection à la communauté. Les zones Midi, PolBru et Marlow seront ainsi sur la liste des bénéficiaires.
Une envie : se rendre utile
« Lorsque l’Hôpital Saint-Pierre nous a demandé qui remercier, j’ai pensé que le CCLJ pourrait donner à cette opération une plus grande visibilité, avec des résultats plus efficaces encore », relève Evelyne. L’opération relancée par le CCLJ permettra la confection de plus de 4.000 masques supplémentaires ! L’équipe logistique complétée par Géraldine Kamps devient un quatuor très efficace. Entre ceux qui donnent du tissu, ceux qui découpent, ceux qui cousent et ceux qui distribuent les masques, les tâches à effectuer sont nombreuses. Au total, plus d’une trentaine de volontaires, membres ou non du CCLJ et de la communauté juive de Belgique, proposeront leur aide. Des marchands de tissus, fermés depuis plusieurs semaines, ont eux aussi accepté de collaborer en offrant leurs rouleaux d’invendus, alliés précieux des couturières. « C’est réconfortant de voir l’énergie et l’investissement que les gens sont prêts à donner. Comme si beaucoup n’avaient qu’une envie : pouvoir se rendre utiles pendant cette crise », souligne Evelyne. « Le sentiment de pouvoir aider, chacun selon ses possibilités, permet de passer cette période difficile de façon plus sereine ».
A côté des services hospitaliers, nombreux sont les secteurs qui manquent de masques et le font savoir : maisons de repos, maisons médicales, laboratoires, centres de santé mentale, écoles… Certains bénéficiaires en redemandent. « Cela nous donne la conviction que ce que l’on fait sert à quelque chose, c’est très motivant », confie Evelyne qui affirme n’avoir en revanche aucun ressentiment à l’égard des autorités. « Nous sommes tous dans le même bain, dans une situation inédite ». Et la solidarité s’en trouve démultipliée, avec des organisations qui n’hésitent pas à s’entraider quand elles le peuvent. Des échanges sont ainsi faits avec le FabLab de l’ULB qui, après avoir reçu des masques, propose à la crèche du CCLJ des visières de protection réalisées par ses machines 3D. L’association Waste No More BXL, avec son opération de distribution de repas chauds, pourra également compter sur le CCLJ pour élargir sa cible.
Alors que plusieurs couturières volontaires se remettent progressivement au travail et que les magasins de tissus ont rouvert leurs portes, avec le début du déconfinement, la production de masques organisée par le CCLJ se poursuit. Jusque quand ? « Quand on se rendra compte que suffisamment de masques sont à disposition et que ceux que l’on aide peuvent s’en procurer de façon simple », affirme Evelyne. « Nous nous sommes également engagés pour une série de demandes. Nous nous devons de les satisfaire ».
– Les hôpitaux (1.460) : Iris Sud, Saint-Pierre, CHR Liège, Sainte-Elisabeth
– Les maisons de repos (440) : L’Heureux Séjour, Vésale, Maison Sainte-Monique
– Les zones de police (696) : Midi, Marlow, PolBru
– Les laboratoires de l’ULB (285) : FabLab, Gosselies, Erasme
– Les maisons médicales (657) : Fédération bruxelloise de santé mentale, Entraide Marolles
– Les associations (420) : L’Ilôt, Waste No More BXL, Doucheflux, Service laïque d’aide aux justiciables et aux victimes, Seniors Club d’Anderlecht
– Les écoles et crèches (416) : Beth Aviv, Ganenou, la crèche Nitzanim-Rachel Kemp du CCLJ
– Les services de sécurité (260)
– Divers (158)
– Aux couturières : Lucie et Luzia, Eliane, Monique K., Silvia, Muriel, Valentine, Suzette, Michèle, Léa, Anke, Monique G.
– Aux magasins de tissus : Wajctex, Heytens
– Aux ateliers : Au Fil et à Mesure, Lilu
– A tous les découpeurs, à ceux qui ont vidé leurs réserves de draps pour nous et à celles qui nous ont prêté une précieuse machine à coudre
– Enfin, un merci tout particulier à Evelyne, Eric, Serge et Géraldine, pour la logistique indispensable de l’opération.