Entrez dans le cinéma, laissez-vous cueillir par la curiosité de ce nouveau film, par l’affection que vous portez au célèbre Journal et par le respect que vous manifestez au réalisateur de Valse avec Bachir. Le noir s’épand dans la salle et vous voilà happé par les magnifiques images créées sous la houlette de la directrice artistique Lena Guberman – des centaines de personnes, réparties entre 15 pays dont Israël, la Suisse, la Belgique et l’Allemagne, ont travaillé sur ce film aux 159.000 dessins.
C’est un voyage dans l’espace et le temps, dans le décor immuable d’Amsterdam, dans les détails de la ville, dans ceux de la cache des Frank ; au camp de Bergen-Belsen ; les visages des personnages sont confondants, les palettes de couleurs et la fluidité de l’animation forcent l’admiration tandis que la poésie, l’imagination et les symboliques se fondent dans les tableaux successifs. Très belle idée encore du réalisateur de représenter Kitty, la confidente d’Anne Frank, d’incarner le lien intense qui s’était noué entre la jeune autrice et son amie imaginaire. Idée également intéressante de projeter l’œuvre d’Anne Frank hors les murs du musée. Mais… Répondant à un cahier des charges vraisemblablement trop ambitieux du Fonds Anne Frank à Bâle, Ari Folman a accablé sa protagoniste, chargée d’une part de raconter l’arrestation d’Anne et de sa sœur Margot jusqu’à leur mort en 1945, d’autre part, de s’impliquer dans l’actualité. Focalisée sur la cause des migrants. Cerise sur le gâteau, Kitty s’embarque dans le vol du célèbre Journal et dans une course-poursuite, aux côtés d’un jeune doux délinquant, peut-être Tzigane peut-être Syrien, auquel elle s’attache. En juxtaposant horreur de la Shoah et tragédie des migrants, il semble qu’Ari Folman se soit emmêlé les pinceaux, clichés à l’appui. Il s’en défend d’emblée non sans retomber dans une certaine embrouille : « Nous n’avions pas la moindre intention de comparer la Shoah aux vagues de migrants qui se sont déversées sur l’Europe au cours des cinq dernières années. On ne peut en aucun cas comparer ces événements, et nous n’avons pas cherché à distinguer entre communautés ethniques ou religieuses. On a seulement tenté de rappeler que 20% des enfants dans le monde sont en danger de mort parce qu’ils vivent en zone de guerre ou à proximité. Et on a souhaité sensibiliser le spectateur au sort de ces enfants nés dans des pays en guerre – des conflits dont ils ne comprennent pas les enjeux et auxquels ils ne prennent pas part. Du point de vue d’un enfant, les trajectoires d’Anne et d’Ava ont des similitudes ».
Confusions dommageables
Le réalisateur donne une explication tout aussi limpide du titre de son adaptation libre du Journal : « L’idée de ce titre, sans point d’interrogation mais avec un point d’exclamation, c’est d’affirmer un constat : où est Anne Frank aujourd’hui, dans un monde où des enfants continuent d’être victimes de la guerre, comme si rien n’avait changé depuis. Et le point d’exclamation permet d’exprimer cela ». Quant au producteur, il déclare, exsangue après 10 ans de labeur interminable, avoir « simplement fait un film qui cherche à rendre accessible Le Journal d’Anne Frank à une jeune génération qui, peut-être, ne lira pas le livre, mais sera prête à voir un film (…), une œuvre d’art qui soit aussi divertissante ». Et c’est exactement à cela que je pensais, à leurs amalgames préjudiciables, à leur responsabilité pédagogique engagée. Pourquoi ne pas avoir traité des nouvelles menaces antisémites qui se répandent dangereusement ? Quelle vision ce film offre-t-il à un enfant de 12 ans qui, effectivement, ne lira pas le Journal et dont le cours d’histoire n’ira peut-être pas jusqu’à la seconde guerre mondiale ? Le souvenir d’une aventure menée par l’énergique Kitty, sorte de Greta Thunberg humanitaire, porte-parole du militantisme supposé d’Anne Frank et présumé d’Ari Folman ?
Sans doute la question de la transmission est-elle complexe, comment créer, pour les jeunes générations, un chemin de connaissance vers le génocide juif qui s’éloigne dans le temps ?
En découvrant notamment la vie et le Journal d’Anne Frank, une page particulièrement bien écrite de l’Histoire qui n’a besoin ni d’être réécrite ni transposée ni dénaturée.
Moïse Sfez, le goût de l’ailleurs
Dynamique et enthousiaste, le jeune restaurateur à la tête de Homer Lobster et de Janet se lance un nouveau défi après avoir réinterprété l’univers des delis : la gaufre liégeoise !
Un film d’animation au graphisme splendide et innovant mais pour raconter quoi ?
Ceux qui connaissent l’histoire d’Anne Frank n’apprendront rien de neuf. Ceux qui ne la connaissent pas ne comprendront rien à un scénario trop compliqué.
L’objectif politique du soutien à la difficile condition des migrants est louable mais n’a aucun lien ni aucune comparaison possible avec la tragédie d’Anne Franck et de la Shoa.
Ari Folman a voulu faire d’une pierre deux coups. Il les a ratés tous les deux.
Etonant comme réaction de la part d’un ancien président du CCLJ qui n’a pas marqué son passage dans l’histoire de l’institution.