Sublet

Florence Lopes Cardozo
Présenté au Festival du Film de Tribeca à New York, Sublet, le dernier film d’Eytan Fox a fait l’ouverture et la clôture du Festival du Film de Jérusalem fin 2020. IMAJ et Bozar le proposent ces 9, 10 et 11 avril 2021, en ligne.
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Depuis ses débuts, le réalisateur Eytan Fox aborde des aspects de la société israélienne à travers des histoires d’amour homosexuelles. Ses films – Yossi et Jaeger, Tu marcheras sur l’eau, The Bubble, Yossi ou encore Cupcakes – figurent aussi bien dans les festivals gays que dans les grands festivals internationaux. Œuvrant à l’ouverture des mentalités depuis trente ans, le cinéaste a forgé sa place en Israël comme à l’étranger.

Ce sont notamment ces deux mondes qu’il fait se rencontrer dans son dernier film, Sublet. Michael, la cinquantaine, journaliste de la rubrique « voyages » du New York Times, débarque cinq jours à Tel-Aviv pour réaliser son reportage. Il a opté pour une sous-location (sublet) mais la rencontre avec le loueur, Tomer, un étudiant en cinéma, n’est pas des plus harmonieuses. S’ensuit un terrain d’entente, courtois. Alors que Michael lui fait part de son programme de visites, Tomer s’amuse de ces clichés et l’invite à découvrir une Tel-Aviv authentique.

La ville blanche semble bien faire office de troisième personnage du film : Eytan Fox la filme sous différents angles, plus ou moins flatteurs. On y voit bien sûr la mer, sa plage emblématique, les rues animées, les marchés, les petits restaurants arabes, les maisons basses décrépies, les gratte-ciels, des quartiers délabrés, la rudesse de la vie, la débrouille, un étrange mariage d’Orient et d’Occident mais aussi des artistes qui projettent de s’installer à Berlin. On y découvre encore une savoureuse cuisine méditerranéenne, les salles épurées du musée d’art moderne, des magouilles loin des yeux de la police, une vie bouillonnante, sous tension. Une ville « pleine de contradictions » conclura le journaliste.

The city and the sex

Les deux hommes de génération et de culture différentes vont ainsi s’apprivoiser. Leurs modes de vie et perceptions relèvent également de leurs deux points de vue. Pour l’un, par exemple, l’évocation de Berlin porte le poids de la Seconde Guerre mondiale, pour l’autre, la ville est trop « cool ». Face au journaliste posé, l’étudiant s’avère un peu écervelé. Alors que le premier, engagé dans un couple, paraît soucieux, le second, affamé de sensations, s’adonne librement au sexe, quel qu’il soit. On remarquera aussi la rapidité avec laquelle les applis permettent de se taper un plan cul. Des partenaires arrivent tout chauds plus vite qu’une pizza. Fidèle à un sabra, Tomer baissera ses défenses et manifestera de la sympathie, de l’intérêt même, pour son hôte, en dépit de quelques maladresses.

A son tour, le journaliste habitué à interviewer sera amené à se confier chez la mère de Tomer. Le thème de la parentalité est alors décliné : homoparentalité, famille monogame, parentalité tardive, procréation assistée ou renoncement. Les trois convives paraissent ici dans toute leur humanité. Autant d’histoires de venues au monde, autant d’amour reçu et donné, autant de parcours de vie. Un silence respectueux, une certaine estime s’immisce entre Tomer et Michael.

Si le film n’a rien de spectaculaire, pouvant même paraître banal, il dépeint, par touches, la Tel-Aviv d’aujourd’hui ainsi que l’évolution des mentalités en trente ans. L’homosexualité de l’un, probablement intime, discrète et exposée au sida, fait face à celle de l’autre, absolument décomplexée. Eytan Fox nous donne à voir les combats d’un couple homosexuel pour être parents mais aussi, par ailleurs, l’état des libidos ; les liens sur lesquels on clique plus facilement qu’on ne les crée entre humains ; le regard mutuel que la maturité et la jeunesse se portent ; les rencontres, aussi furtives soient-elles ; enfin les mots et les échanges indispensables aux rapprochements. L’affection du réalisateur pour ses personnages traverse l’écran et sans doute, partage-t-il l’état d’esprit de son protagoniste, Michael, sensiblement interprété par John Benjamin Hickey. Niv Nissim (Tomer), quant à lui, fait ses premiers pas au cinéma et l’on reconnaîtra la jeune actrice Lihi Kornowski (« Né à Jérusalem » de Yossi Atia), notamment dans une puissante séquence de danse. Voilà le voyage auquel IMAJ et Bozar vous invitent. Départ imminent !

++++

Sublet, un film d’Eytan Fox avec John Benjamin Hickey, Niv Nissim, Lihi Kornowski, Miki Kam. V.O. anglais/hébreu S.T. français

Durée : 87 min.

Trois dates: les 9,10 et 11 avril 2021, en ligne

Lien : www.imaj.be/events/sublet

Prix : 3€

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