Regards n°1095

Aventures égyptologiques belges

Deux cent objets, pour la plupart tirés des réserves du Musée, évoquent notre fascination pour le Pays des Pharaons et ses antiquités. Champollion déchiffre les hiéroglyphes (1822). De l’expédition de Bonaparte à la découverte du tombeau de Toutânkhamon (1922), les expéditions se succèdent dans la Vallée du Nil. Les objets égyptiens des Musées royaux des Arts décoratifs et industriels, installés au Cinquantenaire en 1889 (devenus ensuite les Musées royaux d’Art et d’histoire – MRAH), sont surtout des dons privés ou des cadeaux diplomatiques, tels l’ensemble de cercueils et objets funéraires de la Deuxième Cachette de Deir el-Bahari, offert à la Belgique par le Khédive (1894), à une époque où des industriels belges s’intéressent fort à l’Égypte, sous tutelle anglaise.

Conservateur visionnaire, organisateur talentueux et excellent communicateur, Jean Capart (1877-1947) donne un essor prodigieux à la collection égyptienne du Musée, grâce à sa stratégie d’acquisitions novatrice et sa volonté de faire de Bruxelles une capitale de l’égyptologie. Passionné d’Égypte, entré au musée comme collaborateur scientifique bénévole (1897), nommé conservateur adjoint (1900), il y sera conservateur, puis directeur général. À son initiative, le Musée souscrit aux campagnes de fouilles britanniques coordonnées par l’Egypt Exploration Fund. Le Service des Antiquités de l’Égypte autorise les missions archéologiques à emporter une partie des objets trouvés en fouilles pour les répartir entre leurs souscripteurs, au prorata des sommes engagées. Avant 1939, le Musée va acquérir ainsi quelque 6.000 objets venant des principaux sites archéologiques d’Égypte et de Nubie. Capart active aussi un réseau de mécènes, dont Édouard Empain, inventeur de la cité nouvelle d’Héliopolis et des tramways du Caire. Empain finance le transfert à Bruxelles du mastaba de Neferirtenef, puis les nombreux achats de Capart chez les antiquaires du Caire et de Louxor, après l’échec de ses fouilles à Héliopolis (1907).

Fin 1922, Howard Carter découvre la tombe de Toutânkhamon. La reine Élisabeth de Belgique, accompagnée de Capart, est une des premières à pénétrer dans le caveau funéraire, à son ouverture en février 1923. Capart crée ensuite la Fondation égyptologique Reine Elisabeth qui devient vite un important centre de recherche et de diffusion de l’égyptologie. En 1937 et 1938, au nom de la Fondation, il fouille à Elkab, en Haute-Égypte, financé par le galeriste mexicain Marius de Zayas. L’excellente biographie de Jean-Michel Bruffaerts, superbement illustrée, relate dans le détail la carrière prodigieuse de Jean Capart. Le chroniqueur de l’Égypte. Aujourd’hui, le Musée Art & Histoire abrite une des plus importantes collections égyptiennes d’Europe, objet de multiples recherches multidisciplinaires et d’une politique active de restaurations dont témoignent les cercueils de la Deuxième Cachette, fraîchement restaurés (2014-2022) et retrouvant toute la beauté de leurs décors peints sous la 21e dynastie. Intégrées au parcours de l’exposition des œuvres de l’artiste contemporaine Sara Sallam, questionnent l’héritage de l’Égypte ancienne préservé au Musée.

Maurice Nahman et Isabelle Goldschmidt-Errera

Expéditions d’Égypte dévoile les origines d’une collection et tire de l’oubli certains protagonistes de cette histoire de fascination occidentale pour l’Égypte, tel Maurice Nahman (1868-1948), un Juif, employé au Crédit foncier d’Égypte, qui se lance dans le commerce d’antiquités égyptiennes et devient un connaisseur réputé, pour l’Égypte antique, mais aussi pour les arts copte et musulman, traitant avec de célèbres collectionneurs, tel J.P. Morgan, et les plus grands musées (British, Louvre, Met, etc.). Selon Capart : « Nahman avait acquis une expérience que bien des spécialistes lui enviaient ». Comme le note Bruffaerts, lors d’un premier voyage au Pays des Pharaons (1900-1901), Capart achète à Louxor le magnifique papyrus du Livre des Morts de l’artisan Neferrenpet grâce au soutien financier d’Isabelle Goldschmidt-Errera (1869-1929), historienne de l’art et spécialiste des textiles anciens au Cinquantenaire. Fervent catholique, Capart était aussi un esprit cosmopolite, un des habitués du célèbre salon tenu par Isabelle et son mari Paul Errera, véritable carrefour de la vie culturelle et artistique bruxelloise au début du 20e siècle.

Expéditions d’Égypte, jusqu’au 01.10.2023
Musée Art & Histoire, Parc du Cinquantenaire 10, 1000 Bruxelles 
Ma – ve : 9h30 – 17h00 Sa – di : 10h00 – 17h00 (Fermé lundi)

www.artandhistory.museum

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