Elles sont intelligentes, sensibles et énergiques. Hyper réglo pour l’une, arrangeuse comme pas deux pour l’autre. Elles ont la trentaine et partagent un appartement à Tel-Aviv. Dana termine son internat en gynécologie tandis que Murray donne des cours de scénario à l’université de Tel-Aviv. Mais, alors que la première n’en finit pas de pleurer son ex et que la seconde s’accroche à un amant volage, un incident vient bousculer leurs échiquiers. L’incident se nomme Lior. Tel Hugh Grant, deus ex machina, Lior est jeune + beau + riche + attentionné + patient + romantique + ne cumule que des qualités… Mais oooouiiiii, c’est du cinéma !
La créatrice et scénariste de la série Bloody Murray (Dana & Murray sur arte.tv), Stav Idisis, a l’âge de ses héroïnes. Nul doute qu’elle s’est amusée à jongler avec les situations légères et graves, les dialogues éclairs et les codes visuels pour décrire, en touches impressionnistes, la psychologie de ses personnages, mais aussi, à travers eux, des caractéristiques de la société israélienne qui, sous une modernité avérée, demeure bien ancrée dans ses traditions. Cette mosaïque israélienne se compose ici, entre autres, d’un collègue homosexuel qui parle de lui-même au féminin, d’un collaborateur arabe qui rencontre de sérieuses difficultés pour louer un appartement, ou encore d’un gynécologue en chef portant la kippa, etc.
Dérision et décalage obligent, la scénariste semble s’être, elle aussi, projetée dans les travers de cette professeure de comédies romantiques, loufoque et culotée, en manque d’inspiration : Murray la frondeuse ponctionne-t-elle directement les situations de sa vie pour les transcrire telles quelles dans ses scénarios, s’inspire-t-elle des idées de ses étudiants, ou rêve-t-elle de faire de sa vie un film romantique… Les sources d’inspirations des « écrivants », au sens large, sont affectueusement caricaturées.
Si, de façon générale, le premier épisode se doit toujours d’installer le cadre, la série ne laisse pas de place à l’ennui. Rythmée, elle recourt à des quiproquos, des manipulations décomplexées, des actes manqués, des revirements de situations et des enchaînements de frustrations, sans oublier l’humour. À chaque personnage de surmonter ses obstacles et d’avancer, avec espoir, déception, fatalisme ou surprise sur la route de la vie. Et si le chemin des héroïnes est jonché de cailloux qui s’immiscent dans les chaussures, pas sûr qu’elles aspirent à une autoroute macadamisée menant droit à la retraite.
Colocation et cohabitation sororale
Indépendantes et diamétralement différentes, Dana et Murray sont amies depuis le lycée. Tandis que la première est tiraillée entre carrière exigeante et réussite de sa vie privée, la seconde se démène pour se réaliser. Leurs modes de vie abondent en informations sociologiques. Il y va de leurs diverses libertés et affirmations (sexuelle, professionnelle, etc.), convictions (choix de l’avortement), confrontations (horloge biologique, maternité, crainte viscérale du célibat) et contradictions. La colocation, pour raisons financières et/ou pour tromper des solitudes, est aussi passée au peigne fin. Il nous est donné de voir des trentenaires en prise avec le partage de l’espace, l’amitié, la rivalité, la culpabilité, l’intimité, etc., soit avec un quotidien qui s’apparente à une cohabitation sororale, allant de la grande complicité aux petites guerres diverses.
On s’amusera aussi des références appuyées aux films romantiques et/ou féministes des années 1990, de Pretty Woman à Thelma et Louise.
Côté casting, les actrices Rotem Sela (Dana) et Naomi Levov (Murray) sont déjà des stars en Israël. Également mannequin, animatrice de télé et instagrameuse très suivie, Rotem Sela aurait fait le buzz, en 2019, en défendant les droits des Arabes israéliens en pleine campagne des législatives. Quant à Naomi Lerov, elle s’est fait remarquer dans Yona (2014) de Nir Bergman, film primé aux Ophir (les Oscars israéliens), dans lequel elle interprète la poétesse Yona Wallach. Elle s’est également vu décerner le prix de la meilleure actrice au Festival de télévision de Monte-Carlo 2019 pour sa prestation dans la série On the Spectrum (2018), sur l’autisme.
Mais pour l’heure, servez-vous un Bloody Murray ! Non, un Dana et Murray, confortablement installé·e dans votre canapé. Ne vous refusez pas un cocktail de légèreté, de pêche, de romantisme, d’hébreu et de personnages attachants.
Dana & Murray
Sur arte.tv jusqu’au 16 novembre 2024 (sur www.arte.tv.fr et non sur la chaîne de télévision !)
Saison 1, 9 épisodes de 35 minutes. La deuxième saison est en préparation.