Isabelle Ekierman, future bâtonnière de Bruxelles ?

Nicolas Zomersztajn
Une femme juive et progressiste se présente en juin prochain aux élections du bâtonnat de l’Ordre français du barreau de Bruxelles. Me Isabelle Ekierman possède toutes les qualités pour assumer cette fonction et permettre enfin au barreau de Bruxelles de faire valoir l’égalité entre hommes et femmes.
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Depuis sa création le 14 décembre 1810, l’Ordre français du barreau de Bruxelles n’a jamais eu à sa tête une avocate pour exercer la fonction de bâtonnier en dépit des valeurs essentielles de dignité, de délicatesse et de solidarité que cet ordre affiche fièrement. Après plus de deux siècles de domination masculine, Me Isabelle Ekierman est bien décidée à briser ce plafond de verre en se présentant à l’élection au bâtonnat qui se tient en juin prochain. Ayant parallèlement étudié le droit à l’ULB et l’architecture à La Cambre, elle a choisi de devenir avocate et de se spécialiser très naturellement en droit immobilier. De nombreux consœurs et confrères louent les qualités de rigueur intellectuelle, de fermeté et de bienveillance de cette fine connaisseuse des arcanes de la profession, forte de plus de 35 ans d’expérience de barreau. Des qualités précieuses pour garantir la discipline et le respect de la déontologie professionnelle et pour défendre la profession auprès du monde extérieur.
« Le droit est un outil formidable pour faire bouger le monde et faire évoluer les mentalités », précise-t-elle lorsque nous lui demandons ce qui lui plait dans son métier d’avocat. Pourquoi ne pas l’utiliser alors pour moderniser la profession d’avocat ? C’est la raison pour laquelle il lui apparait plus que nécessaire de rompre avec l’inégalité manifeste entre hommes et femmes dans la carrière d’avocat qui se reflète notamment par des chiffres inadmissibles : « Si 80 % des étudiants en droit sont des femmes, 80 % des avocats de plus de 40 ans sont des hommes », déplore Isabelle Ekierman. « Le plafond de verre se manifeste aussi par le fait que les tranches de revenus les plus élevés sont essentiellement masculins surtout au-delà de 100.000 €. La pyramide des âges en fonction du genre met en évidence un barreau très largement masculin à partir de 40 ans ». Parmi les mesures urgentes et concrètes qu’elle souhaite notamment prendre, si elle est élue, pour faire en sorte que les femmes puissent exercer pleinement leur profession, il y a la création de structures d’accueil pour les enfants (crèche, voire une garderie, et pourquoi pas une école maternelle) aux abords du Palais. Elle peut s’organiser dans toute une série de bâtiments actuellement affectés aux tribunaux démembrés mais peu compatibles avec l’usage qui en est fait. « Ce faisant, les avocats et avocates pourraient travailler sans contrainte de 8 à 18h30, ce qui serait un avantage non négligeable », insiste-elle.

Défendre les plus faibles

Juive laïque, non pratiquante, Isabelle Ekieman se dit athée sans jamais toutefois manquer de respect pour les croyants et les pratiquants. « J’ai beaucoup de mal à me faire à l’idée de la représentation d’un Dieu. Cela ne m’empêche pas d’être pleinement juive ». La fidélité à ses racines juives est essentielle et lui sert aussi de boussole dans ses engagements marqués par la solidarité. « J’ai grandi dans une famille aimante, malheureusement frappée par la violence de l’Histoire. J’en ai appris la nécessité de défendre les plus faibles ». Dans le contexte du barreau de Bruxelles, cela conduit Isabelle Ekierman à plaider pour une mutualisation par les instances de l’Ordre et un accès gratuit aux banques de données pour tous et un meilleur soutien aux avocats stagiaires souvent amenés à faire face à des obligations financières lourdes alors que les minima de rémunération de stagiaires sont dérisoires.
Enfin, elle ne voit pas le barreau comme une tour d’ivoire. Et l’importance qu’elle accorde au dialogue que le barreau de Bruxelles doit nouer avec la société n’est pas apparu soudainement la veille de sa décision de se présenter au bâtonnat. En décembre 1988, dans son discours de la séance inaugurale de rentrée du Jeune barreau, alors qu’elle évoquait la contribution des Juifs à l’essor artistique et intellectuel de Vienne entre 1880 et 1938, l’antisémitisme qui les visait et leur destruction systématique après 1938, elle dénonçait « l’innocence, celle qui nous aveugle, celle qui nous rend sourds, l’impossible innocence. Car l’innocence ne-nous-fera jamais voir « autre chose » que le monde désenchanté de nos habitudes. L’innocence n’arrêtera jamais les démolisseurs de la cité, (…) ». Ces propos lucides sont hélas d’une tragique actualité.

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