René Blum, frère de…

Laurent-David Samama
Avec Par-delà l’oubli (Éditions Gallimard), Aurélien Cressely retrace l’itinéraire méconnu de René, le frère de Léon Blum. Un premier roman maîtrisé interrogeant les mécanismes de la construction identitaire et la passion des arts comme échappatoire à l’heure de la collaboration.
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On connaît évidemment Léon Blum, figure majeure du Panthéon de la gauche française dont la vie et les engagements sont entrés dans les livres d’Histoire. On connaissait moins la vie de son frère René auquel vous consacrez votre premier roman. Qui est-il ?

Aurélien Cressely René Blum (1878-1942) est un personnage central des arts et du spectacle de la France de la première moitié du XXe siècle. Très jeune, il baigne dans l’art et la culture, au centre des conversations chez les Blum. Grâce à son frère Léon, contributeur régulier, il fréquente assidument les locaux de la Revue Blanche. Il y admire l’effusion, les idées et les combats avant-gardistes. Alors qu’il était destiné à rejoindre le magasin familial, René choisit de suivre son propre chemin et devient critique au sein du Gil Blas. Tous les soirs ou presque il court les représentations théâtrales parisiennes. En parallèle, il organise des expositions et participe à de nombreux salons pour promouvoir peintres et auteurs qu’il aime. C’est ainsi qu’il contribue à faire publier un certain Marcel Proust aux éditions Grasset à compte d’auteur ! Après la Première Guerre mondiale à laquelle il participe (il sera décoré de la Croix de guerre), il prend un nouveau virage et devient directeur artistique du Théâtre de Monte-Carlo. Il est chargé d’y organiser les saisons (théâtre et danse). À la mort de Diaghilev, il décide de racheter, grâce à l’appui financier de la Société des Bains de Mer, la troupe des Ballets Russes, qu’il renomme Ballet de Monte-Carlo. C’était sans doute, alors, la compagnie de ballet la plus importante et prestigieuse au monde.

 

Quelle fut votre méthode de travail et par quels moyens avez-vous pu obtenir des informations sur René Blum ? 

A.C. Lorsque l’on écrit sur des faits réels ou des personnages ayant existé, je considère que l’auteur a une responsabilité, celle de la vérité historique. En ce qui me concerne, c’est presque une année de recherche documentaire. J’ai lu des dizaines, peut-être des centaines de témoignages évoquant René Blum dans les camps. C’est de là que j’ai pu tirer les traits de caractère que je retrace dans le roman. Je me suis également appuyé sur les travaux d’historiens. Plusieurs avaient déjà travaillé sur René Blum et m’ont permis de m’appuyer sur un cadre historique sourcé. Enfin, il existe un fonds de documentation René Blum à la BNF, légué par sa compagne. Les lettres et documents en tous genres m’ont donné la possibilité d’appréhender l’homme dans l’intime.

C’est à Drancy que René Blum s’interroge non seulement sur le lien puissant qui le lie à la France mais aussi à ses racines juives, jusqu’alors peu explorées. Que peut-on dire du franco-judaïsme fervent de la famille Blum ?

A.C. Les Blum sont une famille française. De confession juive. Si Marie Blum, leur mère, était une fervente pratiquante, les enfants Blum n’accordaient qu’une importance très limitée à la pratique de leur religion. C’était, de plus, une affaire privée. Néanmoins, avec la guerre, l’occupation, les mesures de privation des droits et surtout sa déportation en tant que juif, sa religion devient un motif de persécution. Il y a beaucoup d’interrogation, chez lui comme chez d’autres, sur la condition juive. Les témoignages sont très évocateurs sur ce point. Il y a une réflexion forte sur la condition juive. Et puis, René, pendant son internement, rencontre d’autres destins, d’autres histoires, d’hommes et de femmes qui se sont réfugiés en France après avoir fui des persécutions à l’est de l’Europe. La notion de peuple devient une réalité pour lui.

En bref

Dans la famille Blum, je demande le frère ! Non pas Léon, célèbre homme politique, mais plutôt René, homme d’arts et de lettres, grande figure du monde du spectacle de l’entre-deux-guerres. 
Dans un premier roman à la fois très documenté et franchement réussi, Aurélien Cressely nous fait découvrir l’itinéraire de ce méconnu aux multiples facettes. Né dans un foyer israélite, René est un amoureux de la France, fidèle aux valeurs de la République. Chez les Blum, la religion est une affaire privée, la laïcité est perçue comme une libération et l’on défend le principe d’un patriotisme fervent à l’égard de la France, d’autant plus que le frère poursuit son ascension vers les hautes sphères. Cela n’empêcha pourtant pas notre héros malheureux de subir de plein fouet le basculement vers la politique collaborationniste.

 En 1941, René Blum est arrêté à son domicile parisien avec le concours de la police française, à l’occasion de la « rafle des notables ». Tout bascule… On pénètre alors au cœur des camps où d’autres internés juifs en viendront à désespérer de leur patrie. L’itinéraire, comme souvent, prendra fin à Auschwitz-Birkenau où il sera assassiné. Finalement, son patronyme n’aura jamais protégé René

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