Regards n°1090

Rétrospective Arié Mandelbaum au Musée juif de Belgique

Né de parents juifs polonais dans le quartier de la Gare du Midi, Arié Mandelbaum (1939-) entre à l’Hashomer Hatzair, puis s’engage aux Jeunesses Populaires de Belgique, mouvement de jeunesse communiste. Rebelle au système scolaire, Arié quitte l’école et son domicile familial. Il s’installe à l’hôtel du Grand Miroir, en passe d’être détruit, lieu mythique où logeait Baudelaire et qu’occupent d’autres jeunes artistes en révolte. Entré à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Arié présente sa première exposition personnelle à Bruxelles en 1960. Bob Classens (1901-1971) fait son éloge, le compare à Chagall et Soutine. Un portrait de 1977 rend hommage à cet essayiste et critique d’art, vedette des conférences du Cercle d’éducation populaire créé par Henri Sonnenbluck. En 1965, Arié reçoit le grand prix de la Fondation Belge de la Vocation. Reconnu comme un des jeunes talents de la peinture belge, il refuse l’abstraction alors en pleine vogue, souligne Bruno Benvindo, curateur de l’exposition : pour cet expressionniste véhément peindre de l’abstrait serait refuser le politique et brader sa conscience du monde ! À partir de 1966, Arié Mandelbaum enseigne à l’École d’Art d’Uccle dont il devient directeur (1979).

Le parcours de l’exposition est chronologique et thématique, montrant une quarantaine d’œuvres anciennes et récentes dont les contrastes de style suscitent le dialogue. Arié est devenu artiste en s’émancipant de la sphère familiale, remarque Bruno Benvindo, mais paradoxalement ses premières œuvres sont des portraits de proches, de sa femme et de leurs trois enfants, ou du peintre lui-même dans son atelier. Il travaille à partir de photographies telle ce cliché de 1948 d’une balade en barque aux étangs Mellaerts, avec ses parents, son frère aîné et sa sœur. Nostalgie d’un moment d’union avant que la famille ne se disperse. La Barque, un sujet qu’il peint en 1976 et reprend en 2022. Peintre de l’intime, Arié est surtout un artiste très engagé qui s’inspire de l’actualité et de l’Histoire : guerre du Vietnam, occupation de l’université libre de Bruxelles en mai 1968, etc.

La Shoah, un souvenir qui ne passe pas

Fin des années 1980, son style passe de l’expressionnisme militant à la blancheur. La lumière envahit le papier ou la toile et semble dissoudre le sujet. Arié adopte la détrempe, technique picturale antique qu’il associe au fusain, à la craie, au pastel. Il évoque des événements tragiques du 20e siècle en empruntant les motifs de ses œuvres à de grands maîtres anciens, Masaccio, Piero della Francesca, Grünewald… Son triptyque L’assassinat de Patrice Lumumba (2011) est une représentation poignante de l’assassinat du premier congolais et de ses ministres Okito et Mpolo, épisode tragique de la décolonisation.

Enfant caché, la Shoah devient un thème central de son œuvre, plus de 50 ans après la Seconde guerre mondiale, un souvenir qui ne passe pas, comme en témoignent Le ghetto en feu (2016) ou La machine à coudre (2012).

Cette étonnante rétrospective s’accompagne d’un émouvant travail photographique, réalisé l’été 2021 par Anass El Azhar Idrissi dans l’atelier d’Arié Mandelbaum, rue des Grands Carmes, peu avant que ce lieu, propriété de la ville de Bruxelles, ne soit détruit.

Exposition Arié Mandelbaum, jusqu’au 3 mai 2023

Musée Juif de Belgique, 21 rue des Minimes, 1000 Bruxelles

Ma-Ve 10-17h, Sa-Di 10-18h

Écrit par : Roland Baumann

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