Romy Schneider, la femme moderne

Laurence Winograd
Le Cinéma Palace accueille jusqu’au 25 juin 2023 l’exposition Romy Schneider qui retrace la carrière de cette actrice autrichienne en montrant comment elle est devenue progressivement l’incarnation de la femme moderne, libre, épanouie, affirmant sa sensualité et vivant avec fougue, à travers les films qu’elle a tournés avec les plus grands noms du cinéma.
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Quarante et un ans après sa disparition en 1982, Romy Schneider est toujours aussi aimée du public et estimée par la critique. L’exposition propose de faire revivre cette actrice à travers ses rôles et ses collaborations avec les plus grands réalisateurs, mais aussi des textes, des interviews ou des images de tournage. Suivant le fil de sa vie si romanesque, le parcours permet de comprendre comment la petite fiancée autrichienne est devenue une icône, une femme résolument moderne, passionnée et libre de ses choix.

C’est en 1955 que la jeune Romy Schneider est révélée au grand public sous les traits de Sissi, l’impératrice Elisabeth d’Autriche. Véritable phénomène du cinéma, cette trilogie réalisée par Ernst Marischka joue avec l’histoire officielle pour en faire un conte de fées et lui permet de tourner la page nazie en proposant une Autriche carte postale faite de paysages pittoresques et des costumes traditionnels. La suite est évidemment connue de tous. Après avoir rencontré en 1958 Alain Delon sur le tournage de Christine, une autre viennoiserie kitsch, elle cherche à se démarquer de Sissi et à s’émanciper. « Je voulais vivre, aimer, me développer sur le plan artistique, devenir un être nouveau : mais surtout être libre », explique-t-elle. Romy Schneider rêve de tourner avec de grands réalisateurs mais il lui faudra beaucoup de patience pour s’affranchir de son image de jeune ingénue. Elle quitte l’Allemagne pour s’installer à Paris début des années 1960. Luchino Visconti est le premier à lui faire confiance, avec une pièce de théâtre et un film en 1961, où elle montre un tout autre visage. Elle tourne en France, en Italie et même pour Hollywood où il signe un contrat avec la Columbia pour six films.

Mais c’est dans les bras d’Alain Delon, celui qu’elle a tant aimé mais qui l’a quittée en 1963, qu’elle renait artistiquement. Dans La Piscine, sorti en 1969, Romy Schneider révèle toute sa sensualité. Elle est une des premières actrices à se dévoiler et à mettre en scène sa nudité. Elle devient sans doute l’une des femmes les plus photographiées de son temps et dans les années 1970, rares sont les films où elle n’apparaît pas nue. Aucune fausse pudeur mais une évidence : elle dévoile son corps avec une sorte de naturel tranquille et sans vulgarité.

Allemande mais incarnation de la femme française

©CinémaPalace

Alors qu’elle assure la post-production de La Piscine, elle croise dans les studios le réalisateur Claude Sautet qui recherche l’interprète féminine principale de son prochain film, Les Choses de la vie. Il est très vite séduit par la jeune femme, qu’il ne connaissait que pour la trilogie Sissi. Claude Sautet et Romy Schneider tournent ensemble cinq films de 1970 à 1978 : Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Mado et Une histoire simple. Avec les films de Sautet, la jeune femme allemande va devenir l’incarnation de la femme française. Indépendante, à la fois celle qui trouble les hommes et celle en qui les femmes, soit se reconnaissent, soit aimeraient se reconnaître, notamment sur la volonté de mener leur propre vie, d’assumer leurs envies et leurs désirs. Ses rôles de composition dévoilent l’hyper sensibilité de son jeu, l’investissement extraordinaire qu’elle met dans chacun de ses rôles. Au début des années 1970, Romy Schneider enchaîne les films. Consciencieuse jusqu’au perfectionnisme, anxieuse jusqu’à l’angoisse, minutieuse jusqu’à l’excès, elle accepte des rôles compliqués.

L’exposition Romy Schneider se démarque des trop nombreux reportages et articles racoleurs sur sa vie privée tragiquement chaotique, en ne s’intéressant qu’à la femme libre et déterminée qui symbolisa, par les choix souvent audacieux de ses films, les combats de la génération féminine d’après-guerre. En revanche, l’exposition ne fait pas l’impasse sur le poids de la culpabilité de l’Allemagne nazie qu’elle porte, notamment à cause de la complicité de ses parents avec le régime nazi. Née à Vienne en 1938, Romy Schneider a passé ses premières années dans le chalet familial près de Berchtesgaden, non loin du nid d’aigle d’Hitler. Sa mère, l’actrice autrichienne Magda Schneider était dans les bonnes grâces du Troisième Reich. Star du cinéma allemand et véritable courtisane du régime, elle était fréquemment invitée pour le thé ou pour une promenade en compagnie d’Hitler et d’autres dignitaires nazis.

Exorciser le passé nazi

Comme l’a un jour fait remarquer son amie la journaliste Alice Schwarzer, « Romy a tenté de réparer les choses à sa manière ». Ce n’est donc pas un hasard si le premier homme qu’elle a épousé en 1966, le metteur en scène allemand Harry Meyen, a passé deux ans dans le camp de concentration de Neuengamme parce qu’il était Jüdischer Mischling (demi-juif selon les lois raciales nazies) et que son père a été tué dans un camp de concentration. Ce n’est pas non plus un hasard si elle a donné des prénoms juifs à ses enfants, David et Sarah. Et ce n’est pas un hasard si entre 1973 et 1982, elle tourne cinq films portant sur la seconde guerre mondiale. « Je fais du cinéma pour lancer un signal contre les nazis qui ont toujours quelque chose à dire à l’Allemagne », a-t-elle déclaré. On l’a ainsi vue interpréter une Juive allemande persécutée sous la guerre dans Le Train, une femme sauvagement assassinée par les SS dans Le Vieux Fusil ou encore une femme protégeant un enfant juif dont les parents ont été assassinés par les nazis dans La Passante du Sans-Souci. Il s’agit d’un rôle qu’elle désirait plus que tout et dans lequel elle s’est jetée à corps perdu. La Passante du Sans-Souci sera son dernier film et celui qui lui permettra enfin d’exorciser définitivement ce passé qui le hantait tant.  

Exposition Romy Schneider

Jusqu’au 23 juin 2023 Tous les jours de 11h à 19h

Tarif plein : 10€ – Etudiants 18 – 26 ans, seniors 60+, enseignants, chercheurs d’emploi : 8€

L’exposition Romy Schneider est couplée à la diffusion d’une rétrospective de films de Romy Schneider. Le programme est disponible sur www.cinema-palace.be

Ticket combiné expo + film Romy : 15 € (tarif disponible [email protected] ou 02.514.52.97)

Cinéma Palace, Boulevard Anspach 85, 1000 Bruxelles

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