Un film et une journée d’études qui feront führer !

Joel Kotek
L'Humeur de Joël Kotek
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Nos deux pires ennemis sont l’ignorance et la mauvaise foi. Qui se rappelle ou veut se rappeler que la cause de l’absence d’un État palestinien aux côtés d’Israël n’est pas tant de la faute des « sionistes » qui acceptèrent le plan de partage proposé par l’ONU en 1947, que celle des Palestiniens qui le rejetèrent et des États arabes qui envahirent le jeune État juif le jour même de sa proclamation ? Qui se rappelle ou veut se rappeler que ces mêmes États auraient pu créer, dès 1948, un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, qu’Israël n’occupa qu’à la suite de la guerre des Six Jours. Ils s’en gardèrent bien.

Second mensonge ou impasse ressassée à satiété : l’idée qu’Israël serait le fruit du colonialisme européen – mais de quel État européen serait-elle la colonie ? De la France qui créa le Liban chrétien et livra la Syrie aux Alaouites ? Des États-Unis qui firent cause commune avec l’Arabie Saoudite au point de s’interdire de livrer la moindre arme offensive à Israël ? De la Grande-Bretagne à laquelle les Juifs arrachèrent leur indépendance ? Certes non.

Troisième impasse ou mensonge : Israël serait une excroissance européenne, bref totalement étranger au Moyen-Orient. Il suffit d’ouvrir les livres saints de la Chrétienté et de l’Islam pour mesurer l’incongruité de cette assertion. Jésus le Nazaréen, que d’aucuns présentent désormais comme le Palestinien (cela ne s’invente pas !), était bien un Juif de Judée. Quant à l’Islam, c’est bien contre les tribus juives de Médine que Mohamed livra ses premières batailles. Quand des fanatiques musulmans à l’instar de Fouad Ahidar, l’ancien président du parlement flamand bruxellois, crient « Khaybar, khaybar, tous les Juifs au gaz », c’est un massacre de Juifs d’Arabie, et non d’Ukraine, qu’ils célèbrent. Les Juifs sont constitutifs du Moyen-Orient. Aussi est-il logique que ce soit en Israël, dans le contexte de la Nakba des Juifs d’Orient, que migrera la masse des Juifs exclus du monde arabe.

Enfin, quatrième vérité trompeuse, selon le récit convenu, les Européens auraient « réparé l’injustice » faite aux Juifs (la Shoah) en commettant une autre « injustice », cette fois-ci contre des Palestiniens totalement innocents. Les Palestiniens seraient-ils totalement étrangers à la Shoah ? Pas si sûr, si l’on songe au rôle que joua le grand mufti de Jérusalem dans la tragédie des Juifs d’Europe. C’est bien son antisémitisme absolu qui força les Britanniques à promulguer en 1939 un livre blanc, interdisant toute immigration juive en Palestine par de peur d’une alliance de revers entre les Arabes et les nazis. Ce livre blanc qui livra les Juifs désireux d’émigrer en Palestine à la merci des nazis, n’empêcha nullement le grand mufti de rallier les forces de l’Axe. Il ira même plaider auprès d’Hitler la nécessaire extermination des Juifs palestiniens. « Tuez les Juifs où que vous les trouviez, pour l’amour de Dieu, de l’Histoire et de la religion ! ». La défaite de Rommel à El-Alamein sonna fort heureusement le glas de ses espérances génocidaires.

Gilbert Achcar, l’historien libanais de la Shoah, a beau jeu de minorer le rôle et l’aura du grand mufti de Jérusalem dans le monde arabe d’hier et d’aujourd’hui. Enfumage, en effet, si l’on songe à Un siècle et six ans, le tout récent film du réalisateur égyptien Muhammad Nassef. Celui-ci rappelle, sans vergogne aucune, urbi et orbi, le pacte noué entre le Père de la nation palestinienne et le dictateur nazi. Le script est d’une simplicité éblouissante : le petit-fils du mufti décide de se rendre à Berlin pour y rencontrer le petit-fils d’Hitler, afin de discuter de l’ancienne promesse faite par son grand-père de « libérer » la Palestine. Si les amateurs d’histoire se souviendront qu’Adolf Hitler n’eut aucun enfant, le fait est que non seulement on ose produire un tel film dans un pays supposé en paix avec Israël mais surtout qu’il fait … führer dans le monde arabe. Le film, qui a déjà remporté plusieurs prix, devrait tout prochainement participer à la compétition officielle du Festival du film de Kairouan (Tunisie).

Fait intéressant à souligner : notre enfumeur libanais participera à l’abjecte journée d’étude sur l’antisémitisme qu’organisent, le 2 mars prochain à l’ULB, une kyrielle d’organisations militantes, au premier rang desquelles l’UPJB, Action In the Mediterranean et l’Association belgo-palestinienne. Pourquoi abjecte ? Parce que cette soi-disant journée d’étude pose les Juifs non pas en victimes, mais en cause première de l’antisémitisme, vieux cliché d’origine soviétique. En effet, à en croire l’intitulé de la rencontre, les Juifs instrumentaliseraient l’antisémitisme « pour une mauvaise cause » (sic), entendez pour la défense du seul État juif de la planète qui se trouve être aussi, faut-il le préciser, la seule démocratie au Moyen-Orient. La question est clairement posée :
« antisémitisme et sionisme : adversaires ou complices ? » On craint le pire connaissant les intervenants, parmi lesquels l’inénarrable Esther Benbassa, Henri Goldman, François Dubuisson, Dominique Vidal. Gilbert Achcar sera, pour sa part, chargé de conclure des débats qui s’annoncent aussi balancés et contradictoires qu’un congrès de partisans du stalinisme ou de scientologues. Notre éminent professeur ne s’est-il pas risqué dans la revue de critique communiste Contretemps, à présenter à chaud (le 12 octobre) les massacres du 7 octobre, comme « un acte de bravoure quasi-désespéré » et à comparer « cette dernière contre-offensive de Gaza au soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943. » Cela ne s’invente pas. Je me demande ce qu’en pense celle qui se présente toujours comme notre ancienne présidente et qui se trouve être l’une des co-organisatrices de l’événement. Partage-t-elle ce point de vue pour le moins audacieux ?

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Serge M
Serge M
1 mois il y a

Bravo Joels ! A quand une visite de solidarité en Israël ? Serge

kotek
kotek
1 mois il y a
Répondre à  Serge M

Aussitot que possible ! Serge, aussitot.

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