Hamishim, jeune femme mûre en crise

Florence Lopes Cardozo
Hamishim est une jolie petite série israélienne. Elle dresse le portrait d’une femme spirituelle et attachante, au cœur de tensions et tourments qu’on appelle la vie. Créée, réalisée et interprétée par des femmes, cette « dramédie » pour tous dépote !
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Tu es à la recherche d’une série qui met la femme ménopausée en lumière, tu veux découvrir ce qu’elle traverse, ce qu’elle pense, son quotidien folichon avec ses ados, tu veux voir un peu de sexe, de tocs, de déceptions, le grand âge et tu veux rire avec ça ? J’ai ce qu’il te faut !

Allons aux faits : Alona, 49 ans 1/4, jeune veuve à l’allure élégante et au sourire bienveillant est simultanément scénariste fauchée, mère de trois adolescents bruts de décoffrage et fille d’un doux père déclinant. Peinant à vendre son scénario sur la vie d’une femme de son âge, 
elle affronte toutes les tempêtes de l’existence avec flegme, humour et dignité.

Ponctionnant des faits de sa propre existence, la journaliste, écrivaine et scénariste – au passage, contributrice à la série BeTipul – Yaël Hedaya, a réinjecté son matériau dans le scénario de Hamishim, soit une mise en abîme de ses vies professionnelle et personnelle avec pour héroïne, Alona, son double, encore à l’âge des possibles : possible que son scénario ne soit pas « bankable », possible qu’elle ne trouve plus d’amant ou de compagnon, possible que ses rejetons arrivent à lâcher leur smartphone 8 minutes mais pas sûr, possible que son père glisse sur la pente de la démence.

Les trois générations sur lesquelles repose la série – adolescence, ménopause et le grand âge – vivent, par ailleurs, chacune, des transitions qui les bousculent au plus profond de leur être.

Collectivement et individuellement, il est ici question du regard des Autres : ici, les médias, productrices sexagénaires comprises, censurent les actrices de plus de 42 ans qui disparaissent brutalement des écrans radars en pleine force de l’âge ; là, on captera le regard aimant d’une mère sur ses enfants qui ne lui épargnent rien ou celui de ses enfants sans concession sur leur mère qu’ils aiment et méprisent à la fois. Une amie d’Alona ne sait d’ailleurs pas si elle souhaite avoir un enfant ou si elle veut, en fait, être vue comme une mère. Dans une société impitoyable qui stigmatise ou écarte quiconque n’est pas dans la « norme », nombreux sont ceux qui voudraient être quelqu’un d’autre, revêtir une autre apparence et qui courent derrière des chimères, excepté peut-être Alona, en phase avec ses forces et ses vulnérabilités.

Références 3e degré à la Shoah

Cette série sociologique autour d’une « jeune femme mûre », mais surtout autour de l’image cruelle que lui renvoie l’humanité, est teintée d’une couleur très israélienne, avec, notamment, des intrusions protéiformes de tous ordres : tout le monde se mêle de tout, des questions intimes des médecins à l’excellent inspecteur des impôts, des enfants qui poursuivent leur mère jusqu’aux toilettes au père octogénaire qui pousse sa fille dans les bras du neurologue – Les mots intimité et respect existent-ils en hébreu ? Les références à la Shoah sont hallucinantes et désopilantes – un troisième degré que ne peuvent manier que les concernés. Mosaïque de la société israélienne, on y voit aussi le règne des enfants-rois ou les privilèges du fils sur les filles ou encore l’allusion ashkénaze/sépharade, les vérités balancées sans fards ni pincettes et la malbouffe à l’américaine (pour les pâtes au ketchup, la recette figure dans l’intitulé).

Bref, rien n’échappe au regard aiguisé de Yaël Hedaya, qui égratigne encore le business ou les douces escroqueries qui suintent des dépenses scolaires somptuaires aux traites exorbitantes pour la maison de retraite du père. La scénariste s’éclate dans le fond comme dans la forme, accolant, aux situations, un langage cru, mordant. Amoureuse des mots, elle célèbre l‘hébreu, langue qu’elle brasse avec plaisir et qu’elle fait joyeusement fleurir dans la bouche de ses personnages. Ajoutez à cela l’excellente interprétation d’Ilanit Ben-Yaacov, très bien entourée, une mise en scène et un montage punchy, vous obtenez huit doses de 25 minutes d’intelligence, d’humour et de cynisme, bienvenus*.

*Si vous souhaitez poursuivre avec des belles femmes âgées qui n’ont pas l’intention de se faire marcher sur les pieds, retrouvez Jane Fonda et Lili Tomlin dans Grace et Frankie sur Netflix !

Hamishim (Cinquante)

Une série créée et écrite

par : Yaël Hedaya

Réalisation : Daphna Levin

Avec : Ilanit Ben-Yaakov (Alona Nahmias), Hila Abramovitch (Carmel), Yonathan Wachs (Yahali), Alma Brown (Shira)

Disponible sur Arte TV https://www.arte.tv/fr/

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