La Shoah à Liège : exposition

Roland Baumann
« Présumés décédés à Auschwitz », la nouvelle exposition de la ville de Liège témoigne de l’excellence des recherches accomplies sur l’histoire de la Shoah dans la Cité Ardente.
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Associant l’asbl Mémoire de Dannes-Camiers, la Fondation de la Mémoire contemporaine et les Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège, institution muséale, qui, jusqu’au 17 juin, accueille l’exposition, Présumés décédés à Auschwitz retrace la persécution des Juifs liégeois en 1940-1944 et montre pour la première fois les originaux des documents d’archives publics et privés qui ont permis de reconstituer les mécanismes de la Shoah et le destin de ses victimes à Seraing, Liège et Herstal. Les Fonds patrimoniaux sont installés dans les anciens locaux du musée de l’Art wallon, dans le quartier Feronstrée et Hors-Château.

Retracer l’histoire des 733 Juifs de Liège déportés à Auschwitz

« La formule « Présumés décédés à Auschwitz », inscrite dans les documents administratifs d’après-guerre, renvoie au sort de 733 Juifs de Liège disparus à Auschwitz. L’exposition montre leurs visages, retrace leur histoire et les mécanismes de leur anéantissement. Voici l’aboutissement d’un long travail d’enquête et de recherche historique, commencé à Liège dès la libération », précise Thierry Rozenblum, commissaire de l’exposition : « L’Étoile et le fusil » de Maxime Steinberg. « Notre intérêt pour l’histoire des Juifs liégeois évadés du 16e convoi de Malines à Auschwitz nous ont incité à constituer une asbl en 1999 pour lancer la recherche. Dès le début, nous avons reçu le soutien du bourgmestre de Liège, Willy Demeyer, qui nous a ouvert sans réserve aucune, toutes les archives de la ville ! Depuis, il n’a pas ménagé son soutien et a reconnu les implications des autorités liégeoises dans la déportation des Juifs ». Une recherche de longue haleine mène Thierry Rozenblum au Service des victimes de la guerre, à l’Office des étrangers, dans les archives communales et provinciales de Liège, etc. En 2010, il publie Une cité si ardente ? Les Juifs de Liège sous l’Occupation (éd. Luc Pire). Suit une exposition en 2012, au musée Curtius, avec la présentation du projet de mémorial conçu par le plasticien Christian Israël. La création d’un mémorial en un lieu symbolique de la ville, reste aujourd’hui à l‘ordre du jour.

Individualiser la Shoah

Thierry Rozenblum explique : « Le fil conducteur de l’exposition c’est le souci d’individualiser la Shoah. Une salle des portraits révèle aux visiteurs les visages de la plupart des disparus, reproduits en général à partir de photos d’identité retrouvés dans les archives de la police des étrangers. Nous avons aussi voulu montrer les archives ! Tout d’abord celles que génèrent les ordonnances antisémites allemandes, à commencer par l’inscription au registre des Juifs. L’exposition confronte ensuite le visiteur à d’autres thèmes majeurs : la mise au travail de Juifs dans des industries liégeoises, l’envoi de travailleurs forcés juifs dans le Nord de la France sur les chantiers de l’organisation Todt, puis la soi-disant mise au travail à l’Est, avec la mécanique des convocations à la caserne Dossin, menant bientôt au départ du premier convoi de Malines… Enfin, le port de l’étoile est un moment de rupture. Il pousse la majorité des Juifs à ne pas répondre aux convocations de mise au travail envoyées par l’AJB et à plonger dans la clandestinité. 

Il déclenche aussi les appels de la résistance à la désobéissance civile et à l’aide aux Juifs. Soutenus par l’Évêque de Liège, Mgr Kerkhofs, des catholiques résistants, tels l’abbé Meunier et l’avocat van den Berg, montent des filières d’aide et de sauvetage des Juifs persécutés, dont la majorité échapperont à la déportation ». Cette exposition de documents d’archives originaux est remarquable et exceptionnelle : aujourd’hui dans l’Union européenne le RGPD (règlement Général sur la Protection des Données) restreint l’accès public aux archives, en particulier lorsqu’il s’agit de les mettre en ligne, ou de les exposer, comme c’est le cas ici. Associé dès le début à ce travail de mémoire et de recherche historique sur la Shoah dans la vallée mosane, Moshé Wolf a guidé des groupes scolaires dans l’exposition et remarque : « Ces jeunes sont surpris de découvrir cette grande photographie d’une bar-mitzvah prise en 1937. Ils sont émus lorsque j’identifie certains de ces enfant et adultes en fête et leur raconte l’histoire de ces inconnus, qui parfois figurent aussi sur d’autres documents de l’exposition ».

Infos :

Exposition : « Présumé décédé à Auschwitz. » Portraits de Juifs liégeois disparus (1940-1944)

Jusqu’au 17 juin 2022 ; Entrée libre ; Ouvert tous les jours 14-17h (sur réservation préalable 10h30 -17h) aux Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège, Féronstrée 86, 4000 Liège

Tel : +32 (0)4 221 94 72 ; Courriel : [email protected]

L'exposition en podcast

Ecoutez l’interview de Thierry Rozenblum (Mémoire de Dannes-Camiers ASBL) et Barbara Dickschen (Fondation de la Mémoire Contemporaine), les commissaires de l’exposition  “Présumé décédé à Auschwitz.” Portraits de Juifs liégeois disparus (1940-1944).

Entretien réalisé par Frédéric Bergman.

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