Le beau jeu de Tony Bloom

Laurent-David Samama
Actionnaire influent de l’Union Saint-Gilloise et propriétaire du club de Brighton & Hove, l’homme d’affaires anglais utilise aussi son influence à des fins philanthropiques dans la vie juive de son pays.
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Mines réjouies et francs sourires. L’été dernier, au moment de couper le ruban inaugurant le centre juif flambant neuf de la ville de Brighton, le Grand rabbin du Royaume-Uni, Sir Ephraïm Mirvis et le Directeur général des lieux, Marc Sugarman, n’en finissaient plus de se donner l’accolade. Il faut dire qu’à elle seule, la liste des aménagements et autres services disponibles ferait pâlir d’envie les centres communautaires juifs les mieux dotés de la planète : une synagogue, un mikve, des appartements, un café, un restaurant agrémenté d’un sushi bar, une épicerie casher ainsi qu’une boulangerie, des espaces de coworking, une crèche, une salle de sport ainsi qu’un auditorium destiné aux événements culturels.

S’il avait fallu parier sur le renouveau de cette petite communauté de la côté anglaise pâtissant de l’attrait de la mégapole londonienne, la cote aurait été immense. Et le résultat aussi spectaculaire qu’imprévisible ! C’était sans compter l’action miraculeuse d’un enfant du pays, connu à la synagogue comme dans toute la région : Tony Bloom. Homme au parcours peu commun, Anthony Grant Bloom, est né en 1970. Très tôt, ce dernier affiche un gout prononcé pour le monde des paris et du jeu. La légende est tenace et raconte que dès l’adolescence, Bloom utilise une fausse pièce d’identité pour entrer dans les casinos, placer des paris sportifs et se faire la main aux tables de poker. C’est d’ailleurs sous cette casquette qu’il fera un premier chemin remarqué, devenant professionnel et engrangeant un total estimé à 2 millions de livres sterling. Peu disert sur cette période de sa vie, Tony Bloom reconnaît néanmoins quelques vertus au poker, « notamment la gestion des situations d’urgence auxquelles vous pouvez être confronté, une bonne lecture des personnes qui vous font face et une faculté de prise de décision… » Autant de qualités mises à profit avec la création, quelques années plus tard, de Starlizard, sa propre société de conseil en paris qui aurait généré, selon les chiffres avancés par le Sun, plusieurs centaines de millions de livres sterling de bénéfices depuis sa création.

De Brighton à Bruxelles, la passion du football

L’essor du marché des paris sportifs aura permis à Tony Bloom de bâtir une fortune colossale en un temps record. Estimée aujourd’hui à 1,3 milliard de livres, cette manne a ceci de notable qu’elle est régulièrement redistribuée et fait du businessman un philanthrope soucieux du bien de sa communauté. Un pied dans le monde juif, l’autre dans la cité, c’est en particulier dans le football – véritable passion familiale – que s’illustre celui que l’on surnomme The Lizard. Tandis que son oncle Ray comptait parmi l’équipe dirigeante du Brighton & Hove Albion Football Club, son grand-père Harry en était le vice-président tout au long des années 1970. Un attachement qui a convaincu notre homme d’y investir dès 2007 alors que son équipe de cœur végétait en League One anglaise, l’équivalent de la troisième division belge.

Deux années plus tard, Tony Bloom acquiert l’essentiel des parts du club. Commence alors une remarquable ascension sportive. Année après année, les Seagulls se fraient un chemin jusqu’en Premier League et disputent même la Coupe d’Europe. En coulisses, les observateurs saluent la structure solide mise en place par Bloom de même que sa gestion financière au cordeau (l’an passé, plus de 122 millions de livres de profits, sans tenir comptent des ventes spectaculaires réalisées lors du mercato estival). Il a non seulement transformé une équipe de football, mais aussi toute une communauté : avec la création de la Fondation Bloom, qui se consacre au soutien de la communauté juive à Brighton, il finance de nombreux programmes de promotion à la tolérance et à l’égalité. Là encore, le propriétaire se distingue par ses volontés bienfaitrices, explique le journaliste du Guardian Ed Aarons : « Bloom est réputé pour sa générosité. Depuis 2020, il offre petits-déjeuners et déjeuners gratuits aux employés du centre d’entraînement et a joué un rôle majeur dans la création du programme “Albion in the Community’’ promu par le club, de même qu’une série d’œuvres caritatives locales. »

De Brighton à Bruxelles, la passion du football

En 2018, c’est en Belgique que l’Anglais récemment décoré de l’Ordre de l’Empire britannique (OBE) entreprend d’appliquer sa méthode. Plutôt que de se tourner vers une grosse cylindrée du championnat belge, c’est sur l’Union Saint-Gilloise, club familial de deuxième division, qu’il jette son dévolu. Rebelotte : Bloom y fait des merveilles ! En quatre années, la formation bruxelloise s’est métamorphosée, a signé son retour dans l’élite après quarante-huit longues années d’absence, et se bat, à l’heure où s’écrivent ces lignes, pour la première place du championnat. À tel point qu’il a fallu procéder à un petit tour de passe-passe pour que les deux entités détenues par the Godfather of gambling se mettent en conformité avec le règlement de l’UEFA avant de défendre leurs chances en coupe d’Europe. En effet, selon le règlement de l’UEFA, deux clubs détenus par le même propriétaire ne peuvent pas disputer la même Coupe d’Europe. Pour se faire, Alex Muzio, actuel président de l’Union Saint-Gilloise, est devenu actionnaire majoritaire du club tandis que Tony Bloom, est devenu actionnaire minoritaire. En coulisses pourtant, l’Anglais, quoique très discret dans la capitale belge, a toujours le pouvoir. Rien qui n’étonne le journaliste Richie Mills, du Sussex Live : « Il n’y a qu’un seul Tony Bloom ! Il a toujours été vu comme un homme à succès dans tous les domaines. C’est incroyable comme tout ce qu’il touche se transforme en or… ».

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