Au lendemain de la seconde guerre mondiale et jusqu’en 1949, on estime qu’entre 40 à 50.000 Juifs quittent la Hongrie. Ils sont environ 35.000 à immigrer en Israël et 15.000 à s’installer dans les pays occidentaux. En 1956, après l’insurrection de Budapest contre le régime communiste hongrois, 20.000 Juifs quittent à leur tour définitivement le pays. C’est dans ce contexte historique que la famille Gergely est arrivée en Belgique dans les années 1950. « Après bien des tribulations d’un pays à un autre, nous avons enfin posé nos valises à Bruxelles » se souvient le professeur Thomas Gergely, professeur de linguistique et communication et directeur de l’Institut Martin Buber de l’ULB. « Nous étions comme les migrants d’aujourd’hui. Nous n’avions rien et nous avons dû apprendre une nouvelle langue, intégrer les us et coutumes de notre pays d’accueil. Sans pour cela renoncer à notre langue maternelle ni à nos traditions culinaires. Ainsi, ma mère a continué à cuisiner le paprikas, à Shabbat ». Le paprikas (prononcer paprikach) est un plat national hongrois, comme le goulash, d’ailleurs. Les Juifs de Hongrie ont ainsi adopté ce plat national comme plat de Shabbath. « A la différence » ajoute Thomas Gergely « que dans notre paprikas, le porc a été remplacé par du poulet et la crème aigre en a été bannie ». Règles de cashrout, oblige.
André (Nandor) Reinitz, est arrivé de Hongrie, en 1956. Acteur du renouveau de la musique klezmer en Belgique, il a créé le groupe Krupnik, (la fameuse soupe à l’orge, encore une histoire de cuisine). En pleine pandémie, confiné chez lui, en mars 2020, il ressort les livres de recettes de sa mère et se met à préparer des plats hongrois dont le fameux poulet aux poivrons/paprika. « En Hongrie, dans les restaurant populaires, les gargotes, on n’appelle pas ce plat, Paprikas mais Pörkölt. C’est le nom du plat utilisé dans les classes populaires. On y sert aussi des pâtes, les nökedli en accompagnement et qui ressemblent aux gnocchis. Je les prépare aussi, chez moi, pendant que le Pörkölt est en train de mijoter. Des nökedli fraîches ».
Les poivrons et le paprika sont au cœur de ce plat tout comme ils le sont dans la cuisine hongroise en général, voyez le goulash. C’est aussi en faisant des expériences sur les poivrons, qu’un autre hongrois, le chercheur Albert Szent-György découvrit la vitamine C, ce qui lui valut le Prix Nobel de Médecine, en 1937.
Le paprikas, où se mélangent les saveurs des oignons, des poivrons rouges bourrés de vitamine C et les sucs de la viande réhaussés de paprika rouge flamboyant, ravira vos invités mais peut aussi se déguster, en solo avec gourmandise.
Paprikas/Pörkölt (poulet aux poivrons et paprika)
Ingrédients pour 4-6 personnes
5 cl d’huile végétale
2 gros oignons émincés
2 poivrons rouges coupés en lamelles
2 tomates moyennes pelées et coupées en cubes
¾ tasse de bouillon de poulet ou d’eau
6-8 cuisses de poulet
3 càc de paprika doux
1càc de paprika fort (piment)
1càc de sel et de poivre noir
1càc de sucre
Préparation
- Faites revenir et dorer les cuisses de poulet dans l’huile. Réservez.
- Faites ensuite revenir les oignons et les poivrons en lamelles dans l’huile de cuisson du poulet jusqu’à ce que les poivrons soient tendres.
- Ajoutez les tomates, le sucre, le sel, le poivre, le paprika doux et le paprika fort. Cuire à feu moyen.
- Remettez les cuisses de poulet dans la préparation.
- Laissez mijoter pendant 30 minutes. Rajoutez de l’eau, si nécessaire.
- Pendant le temps de la cuisson, cuire les nökedli (en vente chez les épiceries hongroises) ou le riz pour accompagner le plat.