Confortablement installé sur mon canapé, je suis envahi par une déferlante d’émotions contradictoires. D’un côté, les images poignantes de la libération des otages israéliennes me bouleversent ; de l’autre, celles des 200 prisonniers palestiniens, dont des terroristes responsables d’attentats, relâchés en échange, suscitent en moi une profonde amertume. Parallèlement, je visionne les deux premiers épisodes d’une série bouleversante consacrée aux déportations à Auschwitz. Merci à Élodie de Sélys, si fidèle à la préservation de la mémoire de la Shoah.
Cette vague d’émotions n’a pu que raviver en moi une colère intense, alimentée par de multiples raisons. La libération des otages par le Hamas a été orchestrée dans une mise en scène indécente, où les otages, sous contrainte, furent forcées d’applaudir leurs ravisseurs. On s’en doute, cette scène grotesque a ravi des figures douteuses comme Éric Blanrue, intellectuel d’extrême droite proche d’Alain Soral et de Dieudonné. Sur X, il s’est empressé de commenter : « Les femmes soldates israéliennes libérées aujourd’hui par le Hamas parlent arabe et disent qu’elles ont été bien traitées, qu’elles ont reçu de la nourriture, de l’eau et des vêtements. Elles ont même remercié le Hamas de les avoir protégées des bombardements israéliens. » (sic).
Cette mascarade ne s’est pas arrêtée là. Les otages ont été exposées sur un podium flanqué de banderoles aux slogans belliqueux : « Palestine – la victoire des peuples opprimés contre le sionisme nazi », ou encore « Les combattants palestiniens de la liberté seront toujours les vainqueurs. » Ces messages, glorifiant une prétendue victoire du Hamas et diabolisant Israël en le comparant au nazisme, illustrent clairement l’impossibilité de tout dialogue ou paix avec un mouvement enfermé dans une rhétorique aussi haineuse. Le summum du cynisme fut atteint lorsque le Hamas a remis aux otages des certificats de libération et des sacs cadeaux, comme si ces gestes pouvaient effacer les atrocités du 7 octobre et les souffrances endurées par les otages et les Gazaouis. Cette cérémonie, bien que chorégraphiée à la perfection, relevait d’un théâtre de l’absurde. Elle m’a remémoré une scène culte de Monty Python and the Holy Grail, où le Chevalier noir, amputé des quatre membres, persiste à clamer triomphalement sa victoire. En réalité, l’échec stratégique du Hamas est patent. Loin de précipiter le monde islamique dans une guerre généralisée contre Israël, le mouvement terroriste s’est retrouvé totalement isolé. Sur le terrain, les réalités sont claires : Gaza est en ruines, les pertes civiles sont immenses, et le Hamas, s’il n’a pas été complètement vaincu, est indéniablement défait.
Autre source d’indignation : les accusations de génocide portées contre Israël. Comment peut-on sérieusement qualifier de « génocide » la guerre de Gaza ? A-t-on déjà vu des « génocidés » célébrer une victoire ? Pensez aux Héréro, aux Arméniens, aux Juifs, et même aux Tutsi une fois acquise la défaite de l’armée hutue. A-t-on déjà vu des « génocidaires » (ici, les Israéliens) négocier une trêve et leurs victimes (le Hamas) rechigner à la signer ? Songez aux nazis, aux Jeunes-Turcs, aux Hutus. Et a-t-on jamais vu des « génocidés » être à l’origine de leur propre malheur ? Le 7 octobre, ce sont bien les Palestiniens affiliés au Hamas qui ont initié les violences : assassinats, viols, immolations, enlèvements – autant d’atrocités ciblant indistinctement hommes, femmes, enfants et vieillards. Et pourtant, cela n’a pas empêché près de 7.000 universitaires belges, parmi lesquels 29 doyens de faculté, de signer une lettre ouverte appelant à sanctionner et à boycotter Israël. Décidément, la « fragilité blanche » n’épargne pas plus les Juifs que les afrodescendants. Elle conduit au pire, sinon au grotesque. Nietzsche ne disait-il pas : « Les convictions sont des ennemies de la vérité plus dangereuses que les mensonges » ?
Ironiquement, cette tragédie pourrait ouvrir une fenêtre d’espoir. La libération des otages est un immense soulagement. Mais au-delà, les répercussions politiques en Israël pourraient amorcer des changements majeurs. La démission de Ben Gvir, suivie probablement de celle de Smotrich, pourrait marquer un recul significatif de l’extrême droite religieuse et fasciste. Cela pourrait même signer la fin de l’ère Netanyahou. Qui sait ? On peut légitimement l’espérer. Mais le véritable espoir réside ailleurs : dans l’éveil du peuple palestinien. Il est grand temps qu’il demande des comptes au Hamas, cette organisation qui instrumentalise sa propre population en bouclier humain. Comme l’a si bien exprimé la prix Nobel de littérature Herta Müller : « Israël a besoin de ses armes pour protéger son peuple. Et le Hamas a besoin de son peuple pour protéger ses armes. » Cette phrase résume parfaitement le mépris du Hamas pour sa population, qu’il sacrifie dans une guerre asymétrique où les premières victimes sont les Palestiniens eux-mêmes.
Si Palestiniens et Israéliens acceptaient enfin de balayer devant leurs propres portes, peut-être pourrions-nous éviter le pire. Rien n’est moins sûr, en effet. Car, comme l’a souligné Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique : « L’image de résilience et de force projetée par le Hamas risque surtout de produire un effet inverse, en incitant les Israéliens à poursuivre coûte que coûte leur effort de destruction de cette entité. » La spirale de la violence risque de se rouvrir. Il faut le déplorer, mais aussi comprendre pourquoi de moins en moins d’Israéliens croient à la solution à deux États. Pourtant, cette solution reste la seule voie possible pour sortir de ce conflit qui ravage depuis des décennies la région, comme les esprits. Mais pour cela, il faudra que les Gazaouis renoncent à leurs rêves génocidaires et fassent le choix d’un avenir de paix.