Regards n°1111

Le siècle de l’épuration ethnique

Le XXe  siècle a été, par excellence, celui de l’« épuration ethnique » avec des migrations forcées, des déportations et des réaménagements démographiques visant à créer des États ethniquement ou religieusement homogènes. Ce n’est toutefois pas le cas d’Israël, où les musulmans représentent 18 % de la population totale. Exemples : en 1923, l’échange de population entre la Grèce et la Turquie, établi par le Traité de Lausanne, affecta environ 1,6 million de Grecs ottomans et 350.000 musulmans grecs. De 1945 à 1947, à la suite de la défaite du nazisme, entre 12 et 14 millions d’Allemands furent expulsés d’URSS, de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Hongrie dans un exode qui fit entre 500.000 et deux millions de victimes. En 1947, la partition de l’Empire des Indes provoqua le déplacement de plus de 14 millions de personnes et des violences intercommunautaires qui causèrent entre 200.000 et un million de morts. S’ajoute à ce triste bilan l’exil forcé de centaines de milliers de chrétiens et de Juifs du monde arabe.

Pourquoi, dès lors, l’histoire n’a-t-elle retenu que le sort des Palestiniens et non celui de tous ces autres peuples, eux aussi victimes de ce cruel XXe siècle et pour lesquels, faut-il le rappeler, il n’existe aucun équivalent à l’UNRWA ? La Nakba, terme qui signifie « catastrophe » en arabe, est la seule tragédie qui ait marqué l’esprit de nos contemporains. Ce terme désigne l’exode, en partie contraint, en partie volontaire, d’environ 650.000 Palestiniens des zones de combat lors du premier conflit israélo-arabe. On oublie que le mot « Nakba » a été forgé par un intellectuel chrétien de Syrie, pour déplorer non pas l’exode des Palestiniens mais bien l’incapacité des armées arabes à détruire Israël dans l’œuf. Son créateur, Constantin Zureik écrivait : « La défaite des Arabes en Palestine n’est pas une calamité passagère ni une simple crise, mais une catastrophe (Nakba) dans tous les sens du terme, la pire de l’histoire arabe. »

Cet extrait illustre que la survie d’Israël a reposé sur la victoire de ses forces de défense, et souligne que le déplacement des populations palestiniennes a résulté d’une guerre que les futurs Israéliens n’avaient pas provoquée – à l’image du conflit récent, déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre. Si les Palestiniens et les États arabes avaient accepté le plan de partage proposé par l’ONU le 29 novembre 1947, un État palestinien existerait aujourd’hui aux côtés d’Israël. Certains affirment que les Palestiniens n’avaient aucune raison de l’accepter, arguant qu’ils n’avaient pas à payer pour des crimes commis en Europe. Mais ce refus ne tient pas compte de l’implication de certains Palestiniens dans la persécution des Juifs d’Europe : le mouvement national palestinien s’opposa violemment à l’accueil de réfugiés juifs en Palestine mandataire, incitant les Britanniques à interdire toute immigration juive en mai 1939 (Livre blanc). Au pire moment. On se rappelle aussi que le Grand Mufti de Jérusalem, al-Husseini, réfugié à Berlin, négocia avec Himmler l’extermination des 600.000 Juifs palestiniens, si ce n’était la défaite de Rommel à El Alamein.

D’autres avancent encore que le monde arabe n’avait aucune raison d’accepter un État « étranger » au sein du monde arabe. Mais les Juifs ne sont pas étrangers à ce territoire, appelé Terre d’Israël bien avant d’être désignée Terre de Palestine. Le peuple juif est partie prenante de ce Moyen-Orient, riche d’une histoire que partagent Juifs, chrétiens et musulmans. Le Coran, la Bible et l’histoire documentent la présence juive dans cette région bien avant l’avènement de l’islam. Ainsi, la moitié de la population de Médine, refuge de Mahomet, était juive. Il est bon de rappeler que le Talmud fut rédigé entre Jérusalem et Bagdad, et non entre Bruxelles et Paris. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le monde arabe comptait près de 900.000 Juifs ; ils ne sont aujourd’hui plus que 6.500, non à cause d’Israël, mais en raison de la volonté des dirigeants arabes de créer des États ethnoreligieux réservés aux Arabes musulmans sunnites, en excluant les chrétiens, les Juifs, les Kurdes et autres minorités comme les Yézidis.

La notion de citoyenneté civique demeure largement étrangère au monde arabo-musulman. Dans ces conditions, quand ils ne furent pas expulsés, comme ce fut le cas en Égypte, les Juifs n’eurent d’autre choix que de quitter des territoires où ils étaient installés depuis des siècles et ce, pour échapper à une forme renouvelée de dhimmitude, d’apartheid. Le refus arabe de la diversité explique également la disparition des chrétiens d’Orient. En 1914, les chrétiens représentaient encore 23 % de la population de l’Empire ottoman ; aujourd’hui, ils ne représentent plus que 0,4 % en Turquie. Cette saignée n’est pas liée à la création d’Israël.

Albert Camus qualifiait déjà le XXe siècle de « terrible ». Le XXIe siècle semble malheureusement s’inscrire dans la même lignée. Israël apparaît aujourd’hui plus que jamais comme le « Juif des Nations », comme en témoigne la récente décision des procureurs de la CPI. Puisse le monde recouvrer la raison et offrir aux Israéliens la sécurité pleine et entière, et aux Palestiniens l’État auquel ils ont droit.

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Écrit par : Joel Kotek
Politologue et historien
joel kotek

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