Andrée Geulen, une mensch nous a quittés

Nous sommes tous orphelins car nous venons de perdre une dame au comportement exemplaire face à la barbarie nazie. Exemplaire car l’action qu’Andrée Geulen-Hersovici a menée sous l’occupation allemande prend précisément le contre-pied du constat tragique fait par Albert Einstein lorsqu’il affirmait que « Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire ». Elle n’a pas détourné le regard face à la détresse ces Juifs et elle n’a pas laissé faire leur extermination. S’il y avait plus de femmes et d’hommes comme Andrée Geulen-Herscovici, le monde serait effectivement plus sûr.

Institutrice de 21 ans lorsque la guerre éclate, elle est révulsée par la vue des enfants à l’étoile jaune, Andrée Geulen décide d’entrer dans la Résistance. A l’été 1942, les rafles succèdent aux convocations pour « mise au travail ». Le Comité de Défense des Juifs (CDJ) entre en action : Yvonne Jospa, Ida Sterno et Maurice Heiber mettent en place le plan de sauvetage des enfants juifs. « J’habitais au pensionnat Gatti de Gamond où j’étais entrée comme surveillante et donnais quelques cours. La directrice, Odile Henri, mère d’une de mes amies d’études, avait recueilli une douzaine d’enfants juifs. Elle recevait régulièrement la visite d’Ida Sterno qui m’a demandé de rejoindre leur groupe et d’aider à transporter les enfants. J’ai accepté immédiatement ».

Au printemps 1943, Andrée devient ainsi l’une des membres non-juives de la section enfants du CDJ. Sa tâche consiste à contacter des familles juives, à les convaincre de se séparer des enfants, de doter ces derniers d’une fausse identité et de les conduire en un lieu où ils pourront être cachés. Entre le printemps 1943 et la libération de septembre 1944, Andrée accompagne plus de 300 enfants juifs dans un lieu où ils sont cachés.

Ces missions périlleuses sont aussi pénibles moralement car ces enfants vivaient la douleur de la séparation. « C’était pour moi le moment le plus difficile. Prendre les enfants à la maison. La séparation ! Les enfants ne pleuraient pas. Les plus grands raisonnaient leur maman. Les plus petits me faisaient directement confiance quand je leur disais qu’on partait à la campagne, voir les petites vaches et les poules. Je crois que si j’avais eu moi-même des enfants, je n’aurais pas eu le courage de les enlever à leurs mères en refusant de leur dire où on allait les cacher. Je ne pleurais pas avec elles… J’avais toujours peur d’arriver trop tard, me disant : ‘Peut-être que cette nuit l’enfant sera raflé’ ».

Bien plus tard, elle exprimera la souffrance qu’elle éprouvait lors de ces « transports ». L’enfant qu’elle conduit au couvent et qui pleure en silence lorsqu’elle le quitte. Devant cet enfant, elle ne doit laisser transparaître de ses sentiments. Ce qui peut parfois laisser l’image d’une jeune femme sans émotion et sans cœur. Image trompeuse et fausse car une fois sortie, elle sanglote car elle aime déjà cet enfant qu’elle a dû abandonner, le symbole de tous ceux qu’on pourchasse.

Andrée Geulen-Herscovici a sauvé des centaines de vies durant cette période terrible. Les témoignages des enfants juifs qu’elle a sauvés sont nombreux et convergents. David Inowlocki, ancien président de l’Enfant caché, exprime bien ce qu’ils éprouvent à l’évocation de son nom : « C’est comme si nous nous étions toujours connus. Elle fait partie de ma famille. Elle aide à vivre, nous réconcilie avec l’humanité ! Ceux qui n’ont pas vécu la clandestinité et le placement des enfants ont du mal à comprendre l’attachement viscéral que nous éprouvons pour elle ! ».

Nous présentons à ses filles, Anne et Catherine, et à tous ses enfants et petits-enfants, nos plus sincères condoléances.

Écrit par : La Rédaction

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