Petit condensé de cuisine juive new-yorkaise

Laurent-David Samama
Journaliste gastronomique spécialisée dans l’écriture des traditions culinaires ashkénazes et séfarades, Annabelle Schachmes publie Cuisine juive à New York, aux Éditions Hachette Cuisine, un bel ouvrage qui recense les recettes iconiques des delis en racontant leur ancrage culturel.
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On connaît les fondements traditionnels et familiaux de la cuisine ashkénaze. Une gastronomie de souvenir(s), dit-on souvent. Plus surprenant est son renouveau à New York, que vous racontez dans votre livre. Cela vous étonne-t-il ?

annabelle schachmes : Tout dépend de l’angle de vue que l’on adopte. Avec mon regard européen, je suis très épatée par mon amie Liz Halpern qui a monté la Gefilteria, une marque de gefilte fish surgelé, avec un packaging hyper moderne. Ça m’étonne que des gens puissent l’acheter et le manger chez eux, qu’il y ait, en fait, une clientèle pour cela ! Je vois aussi Chanie Apfelbaum, qui concilie à la fois son identité juive orthodoxe, loubavitch même, avec sa vie de blogueuse food. Au fond, dans le contexte américain, cela ne m’étonne pas. Surtout, je suis ravie que ces recettes et cette culture ne s’éteignent pas, grâce à leurs actions conjuguées et au caractère propre de New York, une ville dynamique, jeune dans un pays qui ne porte pas le fardeau de l’Histoire. Je suis persuadée d’une chose : ailleurs, rien de tout cela ne serait possible !

Bien qu’écrit longtemps avant les pogroms du 7 octobre perpétrés par le Hamas et la flambée d’actes antisémites qui s’est ensuivie, votre livre commence par l’avertissement de votre grand-père. Une exhortation à ne pas oublier non seulement votre culture mais aussi vos racines…

a.s. : Mon grand-père me répétait toujours cette phrase : « Il ne faut pas oublier l’Histoire, Annabelle. C’est quand les gens oublient que ça recommence » J’ai passé ma vie à l’entendre me faire la réflexion sans jamais vraiment l’écouter, à dire : « Oui, oui, ok d’accord… » Or, pour la première fois de ma vie, je mesure directement la portée de ses mots. Et pour être honnête avec vous, je ne pensais pas avoir à me faire ce genre de réflexion un jour.

S’il fallait citer quelques incontournables de la cuisine juive à New York, vos préférés, quels seraient-ils ?

a.s. : Pour moi, les incontournables ce sont vraiment les kneidleh et la Matzo Ball Soup. Ce sont des souvenirs qui remontent à l’enfance. Il y a une autre recette assez bouleversante pour moi : le matze brei. C’était un plat que mon grand-père me préparait le mercredi quand il n’avait pas beaucoup de motivation. Dans mon esprit, ce n’était pas un plat. Pas une recette codifiée. J’ignorais jusqu’à son nom jusqu’au jour où, arrivée à New York, on me parle du matze brei. Au 2nd Avenue Deli, un type me sort cette assiette, le même plat que dans mes souvenirs : j’ai failli pleurer. Pour être très transparente, j’en ai pris une bouchée et je n’ai pas continué, car c’était trop. Trop d’émotions qui revenaient à la surface.

À New York, la cuisine ashkénaze se déploie dans un cadre préférentiel, un lieu devenu iconique : le deli…

a.s. : Le deli, dans sa forme, c’est un restaurant du Lower East Side. Un restaurant qui ressemble à une salumeria italienne et à une charcuterie allemande. Il se trouve que ces gastronomies se côtoyaient dans le quartier. Peu à peu, des comptoirs sont apparus dans ces boutiques, permettant aux clients de pouvoir déguster sur place les charcuteries et viandes saumurées qu’ils venaient d’acheter. Et bien que la communauté juive ait été la clientèle principale de ces restaurants à leurs débuts, d’autres communautés du quartier venaient y manger. Voilà pourquoi on retrouve à la carte des delicatessen, du coleslaw (hollandais), du strudel (autrichien) ou le corned beef, spécialité favorite des immigrés irlandais. On trouve également du salami (la plupart du temps casher) rappelant le salami italien. Aujourd’hui, à New York, tout le monde va au deli.

En bref

De la série Seinfeld aux films de Woody Allen en passant par The Marvelous Mrs Maisel,
la cuisine juive, constamment présente à l’image en arrière-plan, semble relever, outre Atlantique, d’une certaine forme
de pop-culture largement étrangère à nos contrées. Loin d’appartenir aux livres d’Histoire, gefilte fish, sandwiches pastrami et leurs cornichons et autres strudels, connaissent aujourd’hui un étonnant regain d’intérêt. Pour Annabelle Schachmes, qui signe un beau livre compilant recettes, photos et écrits expliquant la portée sociologique de cette gastronomie, New York constitue un « conservatoire » de la cuisine juive autant qu’une ville libérant les énergies et permettant l’expression de toutes les voix, toutes les cultures. Voilà un livre qui vous fera saliver !

Matzo Ball Soup (bouillon kneidleh)

La Matzo Ball Soup new-yorkaise, que nous appelons en Belgique le bouillon kneidleh, est un plat traditionnel du judaïsme ashkénaze, souvent servi à l’occasion de la Pâque. Il s’agit d’une soupe de poulet, remplie de délicieuses boulettes faites de farine de matza (matze meil), d’œufs, de graisse de poulet (ou d’huile végétale) et de bouillon. Les boulettes cuisent dans la soupe et s’imprègnent de toutes les délicieuses saveurs de la soupe. Cette soupe est absolument délicieuse et réchauffe l’âme.
Il n’y a rien de tel au monde.

Pour 4 personnes

Préparation : 10 minutes

Cuisson : 15 minutes

Ingrédients

– 1 litre de chicken broth
(bouillon de poulet)

– 6 œufs

– 2 cl d’huile végétale

– 1 cube de bouillon de poule

– 180g de farine de matza ou de matzo meal

– Sel et poivre du moulin

Préparation

  1. Faites chauffer le chicken broth dans une casserole à feu moyen. Réservez.
  2. Séparez les blancs d’œufs des jaunes. Disposez les blancs dans la cuve d’un robot batteur et les jaunes dans un saladier.
  3. Ajoutez l’huile dans le saladier conte-nant les jaunes d’œufs. Émiettez-y ensuite le cube de bouillon de poule le plus finement possible. Celui-ci vous servira d’assaisonnement, il doit donc se fondre dans le mélange. Mélangez jusqu’à l’obtention d’une préparation homogène.
  4. Montez les blancs en neige le plus fermement possible à l’aide du fouet du robot.
  5. Portez à ébullition une cocotte d’eau bouillante.
  6. Pendant que la cocotte d’eau chauffe, disposez les blancs en neige sur la préparation de jaunes d’œufs, puis saupoudrez d’un peu de farine de matza et commencez à incorporer le tout extrêmement délicatement, comme vous le feriez pour une mousse au chocolat.
  7. Ajustez l’assaisonnement d’un peu de sel et de poivre si nécessaire.
  8. Humectez-vous légèrement les mains puis prélevez un peu de pâte à matzo ball (de taille équivalente à une balle de golf). Roulez-la entre vos mains humides afin de former une petite boule, puis plongez-la dans la cocotte d’eau bouillante.
  9. Lorsque les matzo balls remontent à la surface, attendez encore deux minutes, puis égouttez-les à l’aide d’une écumoire et disposez-les dans chaque assiette de dégustation. Enfin, versez le chicken broth à parts égales dans chaque assiette.

Conseil 

Comme vous pouvez le constater, il est préférable de ne pas cuire les matzo balls directement dans le bouillon de volaille, car celles-ci laissent parfois de petits résidus dans leur eau de cuisson qui ne seraient pas très jolis à la dégustation. Si vous ne disposez pas de farine de matza ou de matzo meal, n’hésitez pas à mixer de fines galettes de matza. Vous devrez obtenir une poudre un peu texturée, pas trop fine.

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