Zuppa di pesce, la soupe de poisson du ghetto de Rome

Michèle Baczynsky
Carnet de cuisine de Michèle Baczynsky
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La recette de cette soupe de poisson remonte à l’époque du ghetto de Rome, où près de 2.000 Juifs furent contraints de vivre à l’écart, dans ce lieu cloisonné, de 1555 à 1870.Le ghetto se trouvait à proximité du Vieux marché aux poissons, du Teatro di Marcello et du port de Ripa Grande. À la fermeture du marché, les femmes allaient glaner (comme dans Les Glaneurs et la glaneuse d’Agnès Varda) des restes, des déchets de poissons pour les transformer ensuite, dans l’antre de leur cuisine, en une soupe savoureuse.

Parmi les multiples restrictions imposées aux Juifs figurait l’interdiction d’acheter et de consommer certains aliments. Une ineptie tout à fait arbitraire, dans le seul but de limiter plus encore leur liberté dans le ghetto. Ainsi, en 1641, les autorités chrétiennes leur interdirent non seulement l’achat et la consommation de certains fromages (comme la ricotta), mais aussi de certains légumes et poissons. Seuls les poissons gras leur furent autorisés : harengs, sardines, maquereaux, anchois ainsi que le menu fretin.

Les femmes contournèrent cet interdit en redoublant de créativité et inventèrent de nouvelles recettes, comme par exemple l’aliciotti con l’indivia, une sorte de gâteau salé où alternent des couches d’endives (légume autorisé) et anchois. Ce gâteau, inventé dans l’indigence est aujourd’hui au menu de nombreux restaurants dans le ghetto de Rome. À découvrir, donc.

Benedetta Jasmine Guetta est journaliste culinaire. Elle tient, avec Manuel Kanah, le blog Labna, unique blog consacré à la cuisine juive italienne. C’est avec la même passion qu’elle publie en 2022, Cooking alla Giudia: A Celebration of the Jewish Food of Italy (Éditions Artisan Books), un voyage dans les cuisines juives de la péninsule.

La recette de la zuppa di pesce en est extraite. Elle est relativement facile à préparer. J’ai pris une petite liberté par rapport à la recette initiale, en ajoutant dans les légumes du bouillon, la moitié d’un fenouil, pour rehausser encore d’avantage cette soupe pleine de saveurs… et d’histoire.

Ingrédients pour 8 personnes

– 1 gros oignon coupé en morceaux

– 1 carotte coupée en rondelles

– 1 côte de céleri, coupée en deux

– ½ fenouil

– 2 kg de poissons assortis (bar, morue ou baccalà, thon et/ou sardines fraîches), nettoyés et coupés en filets par votre poissonnier. Gardez les têtes et les queues.

– 75 ml d’huile d’olive

– 2 gousses d’ail hachées ou en purée

– 675 g de purée de tomates (passata)

– ½ piment rouge écrasé

– 180 ml de vin blanc sec

– 1 càs de sel

– Poivre noir fraîchement moulu

– Pain croquant pour accompagner

Préparation

Portez l’eau à ébullition dans une grande casserole. Faites-y cuire ensuite à feu moyen les légumes, l’oignon et les poissons pendant au moins une heure.

Filtrer le bouillon et réservez-le. Séparez les légumes, la tête et les queues du poisson. Gardez seulement la chair et ôtez les arêtes.

Chauffez l’huile et faites-y cuire la purée d’ail, 3 à 5 minutes jusqu’à ce qu’elle devienne légèrement dorée.

Ajoutez-y la passata, le piment rouge, le sel, le poivre et le poisson. Portez à ébullition puis à feu modéré durant 15 minutes. Mélangez régulièrement durant la cuisson jusqu’à ce que la préparation s’épaississe.

Ajoutez-la au bouillon et mélangez délicatement.

Cette soupe de poisson peut être accompagnée de morceaux de pain baguette, croustillant, que l’on pourra arroser de quelques gouttes d’huile d’olive (facultatif).

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