Regards n°1097

Elliott Erwitt, témoin du siècle au regard espiègle

Né Elio Romano Erwitz à Paris en 1928 dans une famille juive ayant fui la Russie, Elliott Erwitt a grandi à Milan. Juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, il immigre aux Etats-Unis où sa famille s’installe à New York. Ses parents se séparent deux ans plus tard et Elliott Erwitt part vivre avec son père à Los Angeles. Très jeune, il s’intéresse à la photographie et se fait embaucher dans un laboratoire commercial où il développe des tirages « signés » pour les fans de star de cinéma. Il étudie ensuite la photographie et la réalisation de films au Los Angeles City College. En 1948, il revient à New York où il fait la connaissance de Robert Capa, photoreporter cofondateur de Magnum Photos, qui le parraine pour entrer dès 1953 dans cette prestigieuse agence. En 1954, Elliott Erwitt en devient membre à part entière pour y siéger au conseil d’administration en 1957 avant de devenir vice-président pour l’Europe en 1959, puis président en 1960 et de 1966 à 1969.

Cette rétrospective a le mérite de rendre compte de la diversité des sujets qu’il a abordés et l’unité profonde de son œuvre très éclectique. Considéré comme un « peintre de l’intime », Elliott Erwitt est à la fois photojournaliste, photographe publicitaire, réalisateur et portraitiste de personnalités comme Marilyn Monroe, John Kennedy, Charles de Gaulle, Che Guevara, Alfred Hitchcock, Nikita Khrouchtchev, Andy Warhol, Barack Obama, etc. « L’extraordinaire éclectisme d’Elliott Erwitt masque l’unité profonde de son œuvre », souligne Elie Barnavi, historien et commissaire de l’exposition. « Il y a le style, bien sûr, ce mélange de spontanéité, de fraîcheur du regard, d’humour aussi, qui lui fait saisir d’instinct l’insolite, le drôle, le décalé. Mais surtout, quel que soit le thème traité, un profond humanisme sous-tend l’ensemble de son œuvre. Erwitt est comme l’historien selon Marc Bloch, lequel, à l’instar de l’ogre de la légende, ‘’là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier’’. Mais un ogre qui éprouve de la tendresse pour ses frères humains. Erwitt les contemple et les saisit dans leur humanité, le plus souvent avec un sourire en coin, parfois, lorsque la souffrance submerge tout, avec une évidente compassion dont toute ironie est absente. De toutes les raisons que nous avions de faire cette rétrospective Erwitt, c’est cet humanisme, le fil rouge de toutes nos expositions, qui est pour nous la plus puissante ».

© Magnum Photos/Elliott Erwitt

« Voir les choses sérieuses d’une manière non sérieuse »

En quelques mots, Elie Barnavi résume merveilleusement ce qu’Elliott Erwitt a recherché toute sa vie. « Dire qu’il y a de l’humanité dans mes photos est le plus beau compliment qu’on m’ait adressé », reconnaissait Elliott Erwitt. « Si mes photos permettent aux gens de voir le monde d’une certaine façon, c’est certainement d’y voir les choses sérieuses d’une manière non sérieuse ». Il a aussi un regard plein de tendresse pour les enfants dont il partage encore à plus de 94 ans toute l’espièglerie. Enfin il n’aura échappé à aucun visiteur qu’il aime les chiens qui sont devenus des sujets à part entière de son œuvre. D’ailleurs, dès l’entrée de l’exposition, le visiteur est guidé par des petites empreintes de papattes de chien au sol en guise de signalétique particulière. Elliott Erwitt aime tellement les chiens, ses muses préférées, qu’il leur a consacré plusieurs livres en rappelant souvent que contrairement aux êtres humains, « Les chiens sont partout. Ils sont habituellement sympathiques. Ils ne se plaignent pas. Cela ne les dérange pas si vous les photographiez et ils ne demandent pas de tirages ». Cette exposition est également inédite car pour la première fois, Elliott Erwitt a accepté de montrer ses photographies en couleur, choisies parmi ses milliers de diapositives et issues du livre Kolor. « Elliott avait toujours deux appareils sur lui. Un pour le noir et blanc et un pour la couleur », précise Andrea Holzherr, directrice de Magnum Photos. « Il a fait énormément de photographies en couleur pour ses travaux de commande.  Il a travaillé pour des marques de voitures, l’industrie chimique, un hôpital psychiatrique, des assurances, des marques de réfrigérateurs, des rapports annuels, etc. ».

Même s’il a longtemps jugé qu’il préférait la prise de vue en noir et blanc pour ses photos personnelles, il a malgré tout reconnu à l’occasion de la parution du livre Kolor que « maintenant, après avoir examiné longuement mes dernières photos couleurs, je suis moins dogmatique. En fin de compte, seule la qualité des images compte ».

© Magnum Photos/Elliott Erwitt
© Magnum Photos/Elliott Erwitt

Elliott Erwitt : une rétrospective

Musée Maillol, 59-61 rue de Grenelle 75007 Paris.

Jusqu’au 15 août 2023

www.museemaillol.com

Écrit par : Laurence Winograd

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