Voyage d’études à Lyon et à la maison d’Izieu

Zora Vardaj
Pour la troisième année consécutive, Bella Swiatlowski et Marcel Zalc, de l’Association pour la Mémoire de la Shoah (AMS), et Bertrand Wert ont organisé un voyage d’études à Lyon et à la Maison d’Izieu, à destination d’élèves de 11 à 18 ans. Cette année, près d’une centaine d’élèves y a participé.
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Ce voyage avait pour objectif de « permettre aux élèves, à travers le parcours des enfants d’Izieu, d’appréhender la migration, la fuite, la cache puis la déportation et l’extermination des enfants pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que les enjeux contemporains de citoyenneté qui y sont rattachés. » Il s’agissait également de créer une rencontre entre des jeunes d’horizons différents : des élèves de l’École de la Flûte enchantée à Molenbeek Saint-Jean, de l’École Professionnelle Edmond Peeters, de l’École Decroly, de l’Institut Provincial d’Enseignement Secondaire d’Ath, de l’Athénée Royal Prince Baudouin de Marchin, de l’École Internationale Allemande de Bruxelles et de Paris.

Au printemps 1943, Sabine et Miron Zlatin installèrent une « colonie » d’enfants juifs dans une grande maison à Izieu. En l’espace d’une année, une centaine d’enfants fréquentèrent ce lieu. Le 6 avril 1944, alors que Sabine Zlatin était absente, à la recherche de nouveaux refuges pour ses protégés, un détachement de la Wehrmacht et une voiture de la Gestapo de Lyon arrêtèrent brusquement les quarante-cinq enfants et sept adultes présents à la maison. Tous passèrent la nuit à la prison de Montluc à Lyon avant d’être transportés vers Drancy. La plupart d’entre eux furent déportés et assassinés à Auschwitz-Birkenau. Miron Zlatin et deux adolescents furent fusillés en Estonie. Seule Léa Feldblum, éducatrice, survécut à la déportation. En France, la Maison d’Izieu est devenue l’un des symboles de « la guerre aux enfants » que menaient les nazis. Visiter ce lieu de Mémoire permet aux élèves d’avoir une vision plus large de cette histoire européenne, d’autant plus que dix-sept enfants ayant séjourné à Izieu sont nés ou ont grandi en Belgique.

Des moments de préparation collective ont été prévus, dont une journée à l’Ambassade d’Allemagne où nous avons eu, entre autres, le privilège d’écouter le témoignage de Samuel Pintel, ancien enfant d’Izieu. Chaque école a inscrit le voyage dans un projet mémoriel plus large. À Molenbeek, par exemple, les élèves ont réalisé avec Guy Marchand, professeur-bibliothécaire, une exposition sur « La Résistance au féminin », dont le vernissage aura lieu le 12 juin 2024 à la Maison communale de Molenbeek Saint-Jean. Il s’agit de la suite de « Ne meurent que ceux que l’on oublie », une exposition consacrée à l’histoire de la rafle au Pensionnat Gatti de Gamond [2] que les élèves ont pu visiter au CCLJ. D’autres se sont investis dans des représentations théâtrales (à Ath) ou encore dans la rédaction d’articles pour le journal de l’école (à Marchin).

Comprendre le contexte et humaniser l’Histoire

Le voyage s’est déroulé sur cinq jours. À Lyon, la visite du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation nous a permis de comprendre le contexte dans lequel s’est déroulée la rafle du 6 avril 1944. Au Mémorial National de la prison de Montluc, nous avons vu les lieux où les enfants et les adultes d’Izieu ont été enfermés. Plusieurs éléments ont marqué les élèves, comme la petitesse des cellules et l’enfermement symbolique de Klaus Barbie ici en 1987. Des classes ont profité d’être présentes à Lyon pour réaliser un parcours sur les traces de la vie juive, de la Résistance et de la Shoah. Tous, nous avons été accueillis à l’impressionnante Mairie de Lyon. Dans la perspective d’introduire l’étude des génocides du XXe siècle, nous avons assisté à la commémoration du génocide des Arméniens.

Amarylle, Jennifer et Fatima travaillent sur le parcours de la famille Sadowski

À la Maison d’Izieu, nous en avons appris plus sur les enfants et l’organisation de la colonie. Dans un des ateliers, les élèves devaient reconstituer le parcours d’un enfant qui a fréquenté la maison, et de sa famille. Ils disposaient d’un questionnaire et de reproductions de documents d’archives. Cet atelier pédagogique très pertinent met les élèves en action et leur permet de construire eux-mêmes leurs connaissances. Dans la maison, nous avons découvert d’émouvants fac-similés de dessins et de lettres des enfants. À l’étage, la classe a été reconstituée. Les élèves ont intégré cette histoire et ont établi par eux-mêmes des liens avec ce qu’ils avaient déjà appris.

Henry Alexander, accueilli à la maison en été 1943 témoignait : « Les journées, on jouait, on s’amusait, on chantait, on faisait des promenades. » Comme les enfants d’Izieu, nous sommes allés en randonnée pour découvrir la nature environnante. Dans ces moments informels, les groupes se sont mélangés, ont parlé, ont échangé. Les élèves avaient besoin de ces temps de respiration. La Maison d’Izieu est encore aujourd’hui un lieu de vie.

Pour clôturer notre voyage, nous avons assisté aux commémorations du 28 avril, Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation. Des élèves des sept écoles participantes ont lu les noms des enfants et des adultes raflés ici, il y a 80 ans, et ont déposé des roses au pied de la plaque commémorative.

Le projet ne s’est pas terminé avec le retour en Belgique. Une dernière réunion collective devrait avoir lieu pour présenter les acquis et réalisations des élèves à leurs proches. Au sein de chaque école, des enseignants engagés continuent à sensibiliser leurs élèves au travail de mémoire et à les aider à devenir des citoyens responsables, afin que tous puissent dire, comme Amaryllis, onze ans : « Au cours de ce voyage, j’ai grandi. »  

[2] Le 12 juin 1943, dans ce pensionnat situé à Woluwé Saint-Pierre, la SIPO-SD rafla 23 personnes : des enfants et des adultes juifs, ainsi que leurs protecteurs. L’exposition, basée sur les recherches de Frédéric Dambreville, est actuellement visible au Centre Culturel d’Uccle jusqu’au 26 mai 2024.

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