Natalie David-Weill aux sources du cheminement littéraire

Laurent-David Samama
Animatrice de l’émission littéraire 4e de couverture sur Radio Judaïca et auteure de plusieurs romans, Natalie David-Weill publie "L’atelier d’écriture" (éd. Stock). Un livre dans lequel l’écrivaine s’interroge sur la mise en scène de nos existences et notre besoin collectif de fiction.
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Votre roman met en scène un atelier d’écriture. Des auteurs, la plupart du temps sans expérience des rouages de l’édition, viennent y parfaire leur technique littéraire. Je prolonge l’interrogation d’un de vos personnages : devient-on écrivain dans un atelier d’écriture ?

Natalie David-Weill Si l’on se rend dans un atelier d’écriture, c’est que l’on est déjà un peu un écrivain même si l’on ne sait pas comme s’y prendre ou que l’on n’ose pas se lancer. Or le fait de se confronter à d’autres textes que le sien – qu’ils soient littéraires ou pas –, de partager ses idées comme ses doutes permet d’avancer. Parfois simplement l’idée même du rendez-vous vous oblige à écrire. Barthes fait la distinction entre « l’écrivant » et l’écrivain, qui a tout son sens dans un atelier d’écriture. C’est en écrivant que l’on devient écrivain. La pratique régulière aide à progresser, comme les gammes au piano ou la barre au sol s’il s’agit de danse. Il n’y a que dans le domaine de la littérature que l’on pense qu’il faudrait que le texte soit parfait du premier coup. Alors que l’écriture, comme la peinture, nécessite des couches successives. C’est pourquoi j’avais envie de raconter ce qui se passe dans un atelier d’écriture.

Dans la vraie vie, en plus de vos casquettes de critique littéraire et d’auteure, vous animez aussi des ateliers d’écriture. Ce microcosme, qu'a-t-il de si particulier ?

N.D.W. Comme mon héroïne, Esther, je vis au moins la moitié dans mon temps « ailleurs » à inventer des histoires, à transformer le moindre événement aussi minime soit-il en scène fictive. Le fait de se demander comment commencer, sur quel ton, qui raconte… ajoute du piment à la vie. Comme la lecture. Et la distance engendrée nécessairement par rapport au réel permet de traverser mieux les mauvaises passes. La fiction vous permet de vivre plusieurs réalités à la fois. Et je poursuis ce questionnement sur la fiction dans mon émission de radio 4e de couverture sur Radio Judaïca où j’interroge des auteurs sur leur livre, leur mode d’écriture, leur style ou leurs projets. Dans les ateliers d’écriture, mon rôle essentiel est d’encourager les participants. « Il ne faut pas céder sur son désir » dit Lacan. Trouver le temps d’écrire, comme de lire, imposer ce choix à son entourage est parfois difficile.

Ce nouveau livre explore un épais mystère : celui de l’inspiration. Quels conseils vous paraissent les plus utiles pour triompher de la feuille blanche ?

N.D.W.Chacun a ses manies, certains avec les horaires, d’autres avec les lieux. Le manque d’inspiration vient souvent de votre voix intérieure qui s’obstine à répéter : aucun intérêt, mon histoire ne va intéresser personne, je n’arriverai jamais à trouver les bons mots pour dire exactement ce que je pense… Mon conseil : écrire ce que l’on sait, ce que l’on a dans la tête, un premier jet. A réécrire. Jean-Philippe Toussaint décrit dans « L’urgence et la patience » comment il faut laisser le livre infuser suffisamment longtemps pour élaborer un premier plan et tout lâcher, abandonner le monde quotidien avant de le reprendre avec minutie. Tous les livres sont le résultat de cette alternance de phases de jaillissement et de persévérance. Toussaint suggère de « continuer à ne pas y arriver ». Phrase après phrase, s’obstiner. « Chaque façon personnelle de concevoir l’écriture est une névrose unique ».

En bref
Comment écrire ? Par quoi commencer ? Faut-il inventer ou se souvenir ? Ces questions, Natalie David-Weill se les pose depuis longtemps en sa qualité d’auteure. Une interrogation qui se prolonge au gré des épisodes de son émission littéraire diffusée sur Radio Judaica comme au sein de l’atelier d’écriture qu’elle conduit à Bruxelles. Derrière la page blanche, il y a évidemment le doute, l’impuissance, la peur de se dévoiler mais aussi l’urgence à raconter. Et plus encore, l’imagination qui déborde et les sentiments bien réels qui se mêlent à la fiction. Autant d’éléments que l’on retrouve justement dans L’atelier d’écriture, lorsque Esther accepte, moitié par ennui, moitié par amitié, de suivre Niki pour une session d’écriture. Au fil des pages, Esther se confronte à son propre personnage. Bientôt, dans l’espace clos de l’atelier, l’amitié et la jalousie se mêlent, la confiance et la séduction se confondent. Pour faire œuvre de littérature, chaque participant va alors puiser dans ses ressources les plus intimes… ou dans celles des autres. Mais vole-t-on vraiment quelque chose quand on raconte d’autres vies que la sienne ? Au-delà du dilemme moral, les questions posées par Natalie David-Weill donnent l’occasion de dévoiler quelques judicieux conseils à l’endroit des écrivains amateurs. Voilà un roman qui donne envie d’écrire !

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